Il s’agit de notre dette publique, qui a dépassé cet été les trois mille milliards d’euros. Le chiffre ne vous parle pas ? Soit. C’est une dette de 44 300 euros collés comme étiquette sur chaque Français. « Si nous perdons la confiance des marchés obligataires, nous coulons » affirme l’économiste Charles Sannat.
Petit rappel d’économie
La dette c’est l’addition des déficits budgétaires, plus le remboursement des intérêts. Or, depuis 1974, le budget de l’État français est excédentaire : ce qui veut dire que chaque année, le fonctionnement de l’État dépasse nos moyens, augmente en coût, et ce depuis 49 ans. Et en ce qui concerne les taux d’intérêts : ils montent en flèche, atteignant aujourd’hui les 4,5%, soit 140 milliards en plus à rembourser.
Dans les Échos, Agnès Verdier-Molinié annonce que « les ministres de la rue de Bercy ont compris que la charge de la dette allait devenir un des sujets majeurs des prochaines années. Cependant ils semblent démunis face aux nuages noirs qui s’accumulent. » Une non-responsabilité qu’il s’agirait de démentir.
Un constat affligeant : 20 ans pour tripler l’addition
Il est vrai que nos politiques ne cessent de répéter le danger que constitue notre dette souveraine. Pourtant, la dette grandit malgré les beaux discours où l’on parle de serrer la ceinture, et ce sous toutes les administrations. Depuis l’élection du candidat Macron, dit « libéral » en 2017, c’est déjà plus de 800 milliards d’euros de dette qui se sont accumulés. On approche déjà le tiers de la dette totale en seulement deux quinquennats et demi. De quoi inquiéter sur la gestion des dépenses publiques, dont les budgets sont votés à la pelle, via le fameux 49.3. En 2020, on mettra en évidence le coût du « quoi qu’il en coûte » face à la crise COVID.
Le « paradoxe » : une baisse en trompe‑l’œil
Mais rassurez-vous, tout irait bien. La Tribune et Libération sont très satisfaits de nous annoncer la bonne nouvelle de l’année : la dette publique de la France a diminué à 112,5% du PIB au deuxième semestre. Pour traduction, le produit intérieur brut est en augmentation, ce qui réduit proportionnellement sa part vis-à-vis de la dette publique.
Une augmentation du PIB attribuée à une « forte croissance ». Une « performance remarquable », s’est alors auto-congratulé le ministre de l’Économie Bruno Lemaire. Cependant c’est un argument pour le moins fallacieux. En effet, il y a deux failles qui viennent gêner ce narratif. Deux failles qui sont, au vu de leur grossièreté, soit volontairement omises, soit le fruit d’une méconnaissance certaine.
Premier problème. Il est vrai que le ratio dette – PIB diminue. Pourquoi ? Pas grâce à une augmentation de la production réelle. Si le PIB augmente c’est à cause de l’inflation. Aujourd’hui l’inflation est autour des 10%. Avec une inflation de 10% les prix augmentent de 10%, donc le PIB gonfle artificiellement de 10%, sans aucune valeur ajoutée. C’est à ce titre que le PIB est depuis longtemps décrié comme un facteur statistique informe et malléable.
Second problème. Le taux d’intérêt que l’on paye sur une dette n’est pas calculé sur le ratio dette – PIB, il est calculé sur la dette en valeur absolue. On peut essayer de se réjouir de la baisse d’un ratio dette – PIB, mais celui-ci n’a pas d’impact sur la réalité, d’autant plus lorsque c’est l’inflation qui en est la cause.
Pour résumer, nous nous retrouvons donc avec des médias et des politiques qui se satisfont d’une inflation en hausse, et qui parviennent même à nous en vanter les bénéfices. Plutôt curieux.