Entre 2000 et 2018, le secteur de l’aviation comptait pour 5% du réchauffement climatique, un chiffre qui risque d’augmenter dans les prochaines années. En effet, si les innovations pour une aviation plus verte se multiplient, les perspectives de croissance du secteur sont-elles-aussi grandissantes.
“J’ai décidé de ne plus voyager dans des pays qui ne sont accessibles que par l’avion.“ explique Maëlys, 22 ans. “
À 22 ans, Nicolas lui n’a pris l’avion que deux fois dans sa vie, pour des raisons écologiques, mais aussi finançières.
Selon le rapport Destination 2050, le nombre de personnes prenant l’avion tend à augmenter de 2% chaque année d’ici 2050. La part de l’aviation dans le réchauffement climatique risque donc de croître en conséquence. Est-il alors possible pour ce secteur très polluant de réduire son empreinte carbone afin de limiter l’augmentation de la température mondiale sous la barre des 2°C d’ici 2030 ?
Se déplacer moins et mieux
À distance égale, l’avion est 20 à 50 fois plus émetteur que le train. D’après Thomas Planès, enseignant-chercheur à l’Institut Supérieur de l’Aéronautique et de l’Espace (ISAE), cinq leviers d’action principaux sont aujourd’hui étudiés pour limiter l’impact écologique du secteur aéronautique :
Changer de carburant, améliorer l’efficacité des avions, limiter les effets “non-Co2“ (surtout les trainées de condensation dans le ciel), faire baisser la demande, et augmenter les politiques de compensation carbone.
Selon les projections, la solution la plus efficace serait de remplacer le carburant principal des avions modernes, le kérosène, par d’autres sources d’énergie moins polluantes. Certains biocarburants durables par exemple, émettent déjà 65% de Co2 en moins que le kérosène. L’utilisation d’électro-carburants, produits à partir d’électricité decarbonée, est également une piste étudiée. En Europe, le règlement RefuelEU Aviation stipule que ces types de carburant devront représenter 2% des carburants utilisés par les avions européens en 2025, et 70% en 2050.
Parmi toutes ces initiatives, la plus prometteuse reste l’hydrogène. Son utilisation pourrait permettre d’effectuer une économie de carburant allant jusqu’à 50% selon le cabinet de conseil Carbone 4. C’est pour cette raison que ce gaz est devenu le fer de lance du géant Airbus dans son objectif de devenir une “compagnie low-carbon d’ici à 2035.“ À masse égale, l’hydrogène est capable de produire une énergie trois fois supérieure au kérosène, sans émettre de Co2. Malheureusement, à la fin de l’année 2022, 95% de l’hydrogène produit dans le monde était fabriqué à l’aide des énergies fossiles.
« La durée de vie d’un avion moderne est d’à peu près 30 ans » rappelle Nicolas Gourdain, lui aussi enseignant-chercheur à l’ISAE. Ainsi, que l’on modifie leur structure ou que l’on change leur carburant, les avions de demain sont d’ores et déjà construits.
Alors, plutôt que de compter sur les nouvelles technologies, peut-être faudrait-il modifier le rapport que nous entretenons avec l’avion ?
La France, bonne ou mauvaise élève ?
En novembre 2024, le gouvernement de Michel Barnier avait proposé une hausse de la taxe de solidarité sur les billets d’avion (TBSA). Le but annoncé ; jouer sur la demande en faisant payer plus cher les billets pour créer une baisse du trafic aérien. (Environ 7€ de plus pour la classe standard et 10€ pour les classes offrant des services spéciaux, sur les trajets en dessous de 5 000km.)
Cette mesure intégrée dans le projet de loi de finances 2025 du gouvernement Barnier, avait été votée par les députés et aurait dû concerner toutes les lignes nationales et internationales au départ de la France.
Une motion de censure plus tard, Amélie de Monthcalin, nouvelle ministre chargée du budget, reste favorable à cette “mesure de justice fiscale et écologique“. En augmentant le prix des billets, le gouvernement pourrait récupérer 1 milliard d’euros sur l’année 2025.
Devant cette rhétorique écologique, Nicolas Gourdain reste sceptique :
« On a déjà connu un cas similaire en mai 2023, avec l’interdiction des vols intérieurs courts sur le sol national. Cette mesure n’avait rien changé {aux émissions carbone du secteur aéronautique français}. Ça ne concernait que très peu de lignes, et celles qui ont vraiment été fermées ont été remplacées par des vols internationaux. »
Issu des travaux de la convention citoyenne pour le climat (CCC), l’interdiction par le gouvernement, le 23 mai 2023, des vols pour lesquels il existait une alternative de moins de 2h30 en train avait été accueillie tièdement, rappelle Le Monde. Sur les 35 000 trajets concernés par la proposition de la CCC, seuls 5 000 avaient réellement été supprimés, soit 2,5% des trajets intérieurs sur l’année 2021 (sur 200 000 trajets).
En 2019, l’aviation commerciale française (vols intérieurs et vols internationaux au départ de la France) a émis directement 24,2 millions de tonnes de Co2, soit 85% de plus qu’en 1990. L’année précédente, les avions de tous pays confondus avaient laissé 918 millions de tonnes de Co2 dans le ciel, selon le International Council on Clean Transportation.
Changer notre rapport à l’aviation
À l’échelle mondiale, l’avion représente une source d’inégalité flagrante. Selon les chiffres de la compagnie Boeing, en 2017, 80% de la population mondiale n’avait jamais pris l’avion de sa vie. En 2018, l’Amérique du Nord, l’Europe et l’Asie concentraient 81% des passagers, 12% pour le Moyen-Orient et l’Amérique latine, et seulement 2% pour l’Afrique. De plus, à l’heure actuelle, 1% des passagers représentent à eux seuls 50% des émissions liées à ce moyen de transport.
Enfin, nous ne sommes pas tous égaux face aux changements climatiques. Certaines régions du monde sont déjà plus fréquemment, et plus violemment, frappées par des catastrophes naturelles, et le manque de ressources naturelles vitales comme l’eau ou la nourriture se fait déjà ressentir dans de nombreux pays.
Selon une étude réalisée par le cabinet de conseil Carbone 4, l’empreinte carbone moyenne d’un Français était de 9,9 tonnes de Co2 émises, en 2021. Arrêter de se déplacer en avion permettrait de réduire cette empreinte de 0,27 tonnes, et, pour un seul citoyen, de rejeter 270 000 kg de Co2 en moins dans l’atmosphère. Toutefois, même si chacun d’entre nous doit apporter sa pierre à l’édifice, La transition écologique ne se fera pas sans une refonte complète du secteur de l’aviation, initiés par les gouvernements au niveau national, européen et international. Alors peut-être pourrons nous réduire les émissions Co2 liées à ce moyen de transport et espérer conserver une planète habitable à l’horizon 2030.