Avec 35 millions de voitures en circulation en France, l’industrie automobile est omniprésente pour le meilleur et surtout le pire : pollution, encombrement, sédentarité… Quelles seraient les alternatives viables pour notre mobilité ?
Organisé par les Amis du Monde Diplomatique, le journaliste Vincent Doumayrou, auteur de « La fracture ferroviaire, Pourquoi le TGV ne sauvera pas le chemin de fer » (2007, Éditions de l’Atelier) et l’ingénieur expert dans les mobilités durables Mathieu Chassignet de l’Ademe (partenaire de la biennale ECOPOSS) ont donné une conférence sur l’avenir des mobilités automobiles.
D’abord un moyen de transport de l’aristocratie, la voiture individuelle s’est imposée comme moyen de transport quasi identitaire de la classe moyenne dans l’après-guerre puis, progressivement, s’est étendue aux classes plus populaires. Comment ne pas nier les avantages de ce moyen de transport ? Autonomie puisqu’il n’y a pas d’horaires spécifiques, liberté avec son million de kilomètres de réseau routier en France et c’est sans compter sur l’absence quasi totale d’efforts physiques demandés. Vincent Doumayrou est clair : la voiture a pris une place telle que le territoire a été aménagé selon elle. En conséquence, la France a connu dans la seconde moitié du siècle un étalement urbain : Mathieu Chassignet précise qu’il fallait 6 kilomètres pour aller de son domicile à son travail en 1975 contre 15 en 2012. Au niveau environnemental, l’ingénieur nous donne des chiffres édifiants : le secteur des transports représente 30 % des émissions de gaz à effet de serre en France. En moyenne, les Français parcourent 50 kilomètres par jour aujourd’hui contre 4 en 1800. Les constructeurs alourdissent et rendent plus puissants leurs moteurs : en conséquence, la baisse de consommation de carburant est dérisoire par-rapport aux objectifs climatiques.
Et les solutions ? « Au début des années 2010, les constructeurs ont fait une excursion dans de nouveaux domaines tels que le covoiturage, l’autopartage, les VTC ou même les voitures autonomes mais on voit bien que ce ne sont pas les constructeurs qui sont leaders sur le marché », ajoute l’ingénieur en prenant l’exemple d’Uber. Le journaliste ajoute qu’il faut craindre les écrans de fumée : « Elon Musk, qui a proposé le projet d’Hyperloop, a avoué il y a peu que son projet avait aussi pour but de faire capoter le projet de train à grande vitesse en Californie, et avec succès ». Mathieu Chassignet précise que les alternatives sont plutôt à chercher chez les pouvoirs publics plutôt que d’attendre des constructeurs seuls : « dans le secteur automobile, c’est la réglementation qui suscite l’innovation. Avec la nouvelle réglementation européenne qui est entrée en vigueur début 2020, les émissions de CO2 des véhicules neufs a diminué de 15 %. Pourtant les constructeurs estimaient que cette réglementation était impossible à réaliser ».
Quelles solutions préconisent-ils ? L’ingénieur donne l’exemple d’un dispositif de 2016 qui est resté facultatif : « les employeurs prennent en charge les frais de transport en commun de leurs salariés. Le nombre de salariés qui viennent en vélo a doublé quand il est appliqué ». Sinon, on pourrait imposer une limite raisonnable aux moteurs : « on peut interdire les véhicules qui consomment plus de carburant en raison de leur poids. Idem pour la vitesse : quel est l’intérêt de créer des moteurs qui peuvent rouler jusque 190 km/h ? ». Vincent Doumayrou estime que le ferroviaire doit se redévelopper : « il nous faut plus de RER dans les grandes villes dont Lille, plus de trains moyenne distance et urbaniser nos villes en fonction car même avec les plus beaux tramways, ils ne serviront à rien avec des villes autant étalées ». Et les transports gratuits ? « Attention, précise le journaliste, ça peut devenir un totem : il faut que cette mesure s’insère dans une politique plus globale et ne pas être une mesure en soi. Il faut en même temps rendre la ville moins accessible à la voiture. » Il n’y a jamais de solution miracle, en tout cas pour le moment, gardons nos véhicules dans nos garages !