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    Téléthon : une repré­sen­ta­tion télévisée du handicap 

    Le 8 et 9 décembre 2023 a lieu le téléthon, parrainé par le chanteur Vianney et présenté par Sophie Davant, Nagui et Cyril Féraud, sur France 2 et France 3. Comme chaque fin d’année en France, depuis 1987, une grande collecte d’argent est organisée pour soutenir la recherche médicale, notamment pour lutter contre la myopathie. 

    Ce marathon télé­vi­suel est aujourd’hui la plus grosse collecte populaire et la plus grande repré­sen­ta­tion du handicap en France. Pour de nom­breuses familles, elle incarne un espoir consi­dé­rable. Cependant, le Téléthon ne fait pas l’u­na­ni­mité : certains le cri­tiquent, arguant qu’il entre­tient une repré­sen­ta­tion stig­ma­ti­sante des personnes en situation de handicap.

    Qu’est-ce que le téléthon ? 

    Cette collecte de fonds est réalisée grâce à des appels aux dons tout au long de l’é­mis­sion, géné­ra­le­ment diffusée sur une période de 30 heures ou plus, avec des pro­grammes spéciaux, des témoi­gnages et des per­for­mances artis­tiques pour encou­ra­ger les dons du public. Les fonds collectés lors du Téléthon sont utilisés pour financer la recherche scien­ti­fique, les trai­te­ments médicaux, et pour soutenir les personnes et les familles touchées par ces maladies géné­tiques rares. Il contribue aussi à la recon­nais­sance des maladies rares et à l’émergence de thérapies inno­vantes pour ces maladies longtemps consi­dé­rées comme incurables. 

    Aux origines 

    C’est à l’initiative de deux pères dont les fils sont atteints de myopathie, Bernard Barataud président de l’AFM (l’Association française contre les myo­pa­thies) et Pierre Birambeau que le Téléthon voit le jour en 1986. La myopathie est un terme générique qui désigne un groupe de maladies qui affectent les muscles, causant une faiblesse mus­cu­laire, des douleurs et parfois une perte de mouvement. Ces condi­tions sont géné­ra­le­ment héré­di­taires et affectent la capacité du corps à bouger normalement. 

    En 1986, Pierre Birambeau s’envole pour les États-​Unis, accom­pa­gné de sa famille dans le but d’étudier le Téléthon américain, et en com­prendre les rouages. Le Téléthon (un mélange entre émission et marathon) a été lancé par la Muscular Dystrophy Association (MDA), avec l’animateur Jerry Lewis, aux États-​Unis, en 1966, au niveau national, mais déjà dans les années 1950, des ini­tia­tives locales étaient mises en place. Elles avaient pour but de combattre les maladies rares, telles que la dys­tro­phie mus­cu­laire, la sclérose latérale amyo­tro­phique (SLA), connue en français sous le nom de maladie de Charcot, ainsi que d’autres maladies neuro-musculaires.

    Pierre Birambeau et Bernard Barataud convain­cus que le Téléthon est la solution pour sortir les maladies rares de l’oubli et d’obtenir les res­sources néces­saires pour les combattre, suggèrent à l’AFM d’adapter en France le concept américain en orga­ni­sant un Téléthon à la française.

    Un week-​end de géné­ro­sité et de mobilisation

    Depuis le premier Téléthon en 1987, la géné­ro­sité des Français n’a jamais faibli. Chaque année, ils renou­vellent leur soutien au combat contre la maladie. D’année en année, leur géné­ro­sité permet à l’AFM-Téléthon de faire avancer la recherche, d’améliorer le parcours de soins des malades et de leur proposer, grâce aux Référents Parcours de Santé, un accom­pa­gne­ment, près de chez eux, à toutes les étapes de la maladie. Plus de 26 millions d’euros ont été collectés lors de la première édition, en France, en 1987. Plus de 106 millions d’euros de promesses de dons avaient été enre­gis­trées en 2006. La collecte du Téléthon 2022 s’est élevée à 90 839 067 €. 

    Aujourd’hui, le Téléthon compte près de 215 000 bénévoles et 50 000 asso­cia­tions impliqués acti­ve­ment, opérant dans près de 13 000 communes. L’émission télévisée de 30 heures diffusée sur France Télévisions à le soutien de 90 par­te­naires nationaux renou­ve­lant leur enga­ge­ment chaque année. Le Téléthon s’étend également sur les réseaux sociaux avec des ini­tia­tives comme le Téléthon Gaming, le Téléthon Challenge, et une émission diffusée en direct sur YouTube. »

    Un télethon controversé ? 

    Le Téléthon est en général perçu de manière générale comme un événement bien­fai­teur. Des voix s’élèvent pour mettre en lumière certains aspects de cet événement, les personnes han­di­ca­pées dénoncent des préjugés et le recours à la charité pour financer la recherche. 

    Les premières critiques à l’égard du Téléthon ont donc surgi dans son pays d’origine, aux États-​Unis. En 1990 Chris et Mike Ervin, ayant été eux-​mêmes par­ti­ci­pants du Téléthon durant leur enfance à Chicago, fonde Jerry’s Orphans. Ce collectif militant pour les droits des personnes han­di­ca­pées a choisi son nom en oppo­si­tion à celui de « Jerry’s kids », terme utilisé pour désigner les enfants atteints de maladies neuro-​musculaires soutenus par le Téléthon. Les ini­tia­tives se sont propagées dans le pays, portées en grande partie par des acti­vistes qui, durant leur enfance, avaient été les visages emblé­ma­tiques de cet événement, à l’échelle locale ou nationale. 

    Sur le site web du docu­men­taire « Kids Are All Right », réalisé en 2005 par Kerry Richardson et Steven Ciampaglia et retraçant l’his­toire de ces mou­ve­ments, on peut lire : « Le Téléthon annuel se base sur une approche de pitié pour collecter des fonds pour l’Association de la dys­tro­phie mus­cu­laire, ce qui compromet le message du mouvement pour les droits civiques des personnes han­di­ca­pées. » 

    En France, ces critiques trouvent également écho. En 2004, la militante Elisa Rojas s’exprimait sur le plateau d’Arrêt sur images : « Il y a mille et une façon d’être malade et handicapé, mais le Téléthon n’en montre qu’une ». Elle dénonce une doxa commune sur les personnes han­di­ca­pées vues sous deux prismes : des héros ou des victimes. Et déplore qu’en voulant susciter l’émotion, le Téléthon empêche le ques­tion­ne­ment et mas­que­rati la dimension politique de la lutte pour l’accès aux droits des personnes han­di­ca­pées. Lény Marques président du CLHEE (Collectif Luttes et Handicaps pour l’Égalité et l’Émancipation), lui même atteint d’une myopathie de Duchenne et porteur d’un handicap moteur adresse ces mêmes remarques au Téléthon, qui est pour lui un événement « validiste » : « Moi quand j’étais gosse j’aimais bien le Téléthon, c’était synonyme de bons moments passés en famille, j’y allais pour servir de symbole, j’y ai rencontré pleins de gens supers, qui croyaient réel­le­ment que ce qu’ils faisaient allait changer les choses (…) Je me suis rendu compte que l’image que le Téléthon donnait des personnes han­di­ca­pés avait un impact négatif sur notre place dans la société. Quand on commence à grandir, on est de moins en moins à l’aise avec les regards des gens qui par­ti­cipent au Téléthon, on en vient même à se demander si on n’est pas là pour rassurer les personnes valides et les aider à avoir bonne conscience. » 

    Issu dans les années 2000 des disa­bi­lity studies, le validisme est un terme militant qui désigne un système d’oppression sociale que subissent les personnes han­di­ca­pées. Le Collectif Lutte et Handicaps pour l’Égalité et l’Émancipation (CLHEE) pose dans son manifeste la défi­ni­tion suivante : « le validisme se carac­té­rise par la convic­tion de la part des personnes valides que leur absence de handicap et/​ou leur bonne santé leur confèrent une position plus enviable et même supé­rieure à celle des personnes handicapées ». 

    Mais pour l’organisation de l’AFM-Téléthon, ces critiques ne sont pas légitimes, et leur site internet dédie une page qui a pour but d’expliquer « pourquoi ces accu­sa­tions de « validisme » concer­nant le Téléthon sont sans fondement » Ils sou­lignent notamment que : « Le sujet du Téléthon, c’est la maladie : les maladies rares concernent 3 millions de personnes en France, elles sont pour la plupart géné­tiques, et beaucoup touchent les enfants. Le combat premier de l’AFM-Téléthon est de trouver des trai­te­ments pour ces maladies. Ce qui ne l’empêche pas de se battre pour les droits des personnes en situation de handicap. » 

    Julia Tabath, membre du conseil d’ad­mi­nis­tra­tion de l’Association française contre les myo­pa­thies, signale l’in­fluence de son asso­cia­tion dans les cercles poli­tiques grâce à « un lobbying pour améliorer la politique sociale ». Bien qu’elle assure prendre au sérieux ce mouvement de contes­ta­tion, elle espère que la réso­lu­tion des dif­fé­rends ne conduira pas à la fin du Téléthon : « On voit de plus en plus la société aux prismes de nos dif­fé­rences et pas de ce qui nous rassemble. J’espère qu’on sera plus fins qu’aux États-​Unis, où on oppose les uns aux autres. » 

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