Le 13 janvier, Lai Ching-te du Parti Démocratique Progressiste (PDP) a été élu président de Taïwan, marquant le début d’un troisième mandat consécutif pour le parti, une première dans l’histoire démocratique de l’île. Cependant, cette victoire, bien que symbolique, révèle une croissante instabilité sociale et une préoccupation des Taïwanais et des Français, vivants sur l’île, face à la menace chinoise.
« Les Taïwanais ont une définition claire de ce que veut dire être Taïwanais » affirme Ting-sian, doctorante en études de genre, qui a voté pour Lai. Cette notion d’identité était au cœur de cette élection. Selon un sondage de l’Université nationale Chengchi, seulement 2,5 % des habitants se considèrent aujourd’hui comme « Chinois », tandis que 62 % se déclarent « Taïwanais ». L’élection de Lai, fervent partisan de l’indépendance taïwanaise, renforce cette continuité identitaire.
Un pays qui se divise
Malgré la victoire du PDP avec 41 % des voix, les élections révèlent une société de plus en plus divisée. « Pour la première fois, le Taiwan People’s Party (TPP) émerge comme une force politique significative, en particulier auprès des jeunes électeurs », explique Ting-sian. Contrairement aux élections précédentes, où seuls le PDP et le Kuomintang (KMT) – en faveur d’un rapprochement avec la Chine – s’opposaient, le TPP met l’accent sur les questions domestiques liées à l’emploi et au logement, tout en restant ambigu sur ses positions envers la Chine. Sa stratégie pour séduire le jeune électorat : l’utilisation de TikTok et de mascottes animales. « Je me suis retrouvée au milieu d’un rassemblement du TPP dans le quartier de Ximen. Il y avait beaucoup de jeunes, des mascottes gonflables géantes, mais surtout un chat, qui attirait les foules. Drôle de stratégie, mais cela semblait fonctionner », raconte Mathilde, une étudiante française vivant à Taïwan. Les élections législatives, tenues simultanément, confirment une instabilité future avec une assemblée majoritairement composée d’élus du KMT.
La menace chinoise
L’avenir incertain de l’île vacille aussi au gré du voisin chinois. Xi Jinping a réitéré sa volonté de réunifier Taïwan lors de son discours du Nouvel An. Avant de s’installer à Taïwan, Mathilde et ses proches craignaient une possible invasion chinoise. Une fois installée, Mathilde n’a pas ressenti beaucoup de tension, si ce n’est que le mardi avant les élections : « Nous avons reçu une alerte d’un missile en provenance de la Chine. Après vérification, il s’agissait d’un satellite chinois. Un problème de traduction a causé du stress et des quiproquos. » Maintenant que les élections sont passées et que le PDP reste au pouvoir, Mathilde est soulagée, mais reste sur la défensive : « J’espère que la Chine n’envahira jamais Taïwan. C’est un magnifique pays, ce serait dommage de l’abîmer par la guerre, de l’opprimer ou de lui imposer un régime autoritaire. » Cette inquiétude est partagée par de nombreux Taïwanais. Ting-sian, par exemple, a suivi récemment un cours de défense pour se préparer à une éventuelle invasion chinoise, enseignant les premiers secours et des méthodes d’autodéfense. Après son élection, Lai a promis de « protéger Taïwan des menaces et des intimidations de la Chine ».