Il y a un an, le 6 février 2023, plusieurs séismes ont frappé la Turquie. Le premier de magnitude 7,8 sur l’échelle de Richter dont l’épicentre était situé près de Gaziantep, avait également touché une partie de la Syrie. Plusieurs répliques ont eu lieu et se sont fait ressentir jusqu’au Liban et Chypre. On compte 44 400 victimes en Turquie et au moins 5950 en Syrie. Le bilan matériel fait état de 173 000 bâtiments endommagés ou totalement détruits. Un an après, le pays est au ralenti.
Pourquoi la Turquie est régulièrement secouée ?
Géographiquement, la Turquie repose sur la plaque anatolienne, une plaque tectonique coincée entre les plaques africaines et arabiques au sud et la plaque eurasienne au Nord. Déjà en 1999, la Turquie avait enregistré un tremblement de terre sur la faille anatolienne au nord. Le tremblement avait ôté la vie à plus de 17 000 personnes. Malgré une surveillance accrue depuis des siècles, les cartes d’aléa sismique laissaient prévoir l’éventualité d’un fort séisme dans la région de Gaziantep. Pascal Bernard, sismologue à l’institut du globe de Paris, explique que « la plaque anatolienne est notamment bordée par une faille à l’est. Celle-ci s’est cassée et a donc engendré le séisme en question ».
Un pays qui peine à se reconstruire
Après le drame, le président turc Erdogan s’était engagé à reconstruire les habitations détruites. On parle alors de 650 000 logements. La réalité est tout autre. Seulement 46 000 ont été livrés. Prenons le cas d’Antioche, symbole de la cohabitation juive, chrétienne et musulmane. La ville, qui a perdu 90 % de sa population, ressemble à un terrain vague. Les sinistrés les plus chanceux vivent dans des containers de 18 m². Les autres vivent dans des tentes de fortune, soumis aux aléas climatiques. Le président turc a beau avoir inauguré les premiers 7 000 logements neuf, qui seront attribués par tirage au sort, les efforts ne suffisent pas pour son peuple.
Pour les propriétaires ayant perdu leur bien, l’Etat fournit une subvention à hauteur de 750 000 lires (environ 23.000 euros) en plus d’un prêt à taux zéro du même montant. Serkan Koç, président de la branche locale de la Chambre turque des urbanistes, estime cela insuffisant : « Cela coûte entre 2,5 et 3 millions de lire pour faire construire un logement. Cette aide est largement insuffisante ». De son côté, le ministère turc de l’Environnement, de l’Urbanisme et du Changement climatique a déclaré le centre historique comme « zone réservée ». Sa reconstruction se fera sous son égide. Le ministère aurait d’ailleurs sollicité plusieurs cabinets d’architecture, dont le britannique Foster + Partners et le danois BIG.
Des conséquences environnementales sans précédent
Sur le plan environnemental, l’Organisation mondiale de la santé a qualifié le séisme de « pire désastre naturel en un siècle ». La chute des bâtiments avait généré près de 100 millions de tonnes de déchets, l’équivalent de ce que le pays a produit en 2020, selon Greenpeace. Les produits chimiques comme l’amiante, classé cancérogène pour l’homme par le Centre international de recherche sur le cancer, et les différents métaux lourds contenus dans l’énorme quantité de débris ont provoqués une pollution de l’air, du sol et des eaux. Les particules fines rejetées lors de l’enlèvement des déchets ont traversé la barrière poumon sang. Greenpeace précise « qu’à chaque voyage, la poussière des débris se répandra dans les villes et augmentera la pollution atmosphérique, entraînant par la suite de graves problèmes de santé respiratoire ».
La faute aux promoteurs ?
Même si les autorités connaissent l’activité sismique de la région, les choses ne semblent pas changées. La colère monte. Les experts pointent du doigt la corruption dans le secteur du bâtiment qui est flagrante. Pour certains habitants, les promoteurs et entrepreneurs immobiliers ont selon eux une responsabilité dans l’étendue de dégâts. Ils les accusent notamment d’avoir utilisé des matériaux de faible qualité dans une zone sismique avérée. Pour rappel, en 2019, le président turc s’était félicité d’une loi d’amnistie qui a régularisé près de six millions de logements construits illégalement à travers le pays.
L’accusation va même au-delà que de simples paroles. Des familles ont porté plainte contre Tevfik Tepebasi, l’un des principaux entrepreneurs de la cité Ebrar de Kahramanmaras où une vingtaine d’immeubles se sont effondrés, ôtant la vie à 1 400 personnes. Le chef d’entreprise avait affirmé devant le tribunal ne « rien connaître » aux règles de construction. Il encourt jusqu’à 22 ans et demi de prison s’il est reconnu coupable d’avoir causé des blessures ou de la mort par négligence.