Ce 23 février s’est déroulée la 49e édition des César à l’Olympia. Une cérémonie présidée par Valérie Lemercier révélant un changement profond et une véritable introspection dans le cinéma français.
La deuxième vague #MeToo a submergé la cérémonie
Difficile d’oublier les cris de colère d’Adèle Haenel et Céline Sciamma « La honte ! C’est la honte ! » lorsque Roman Polanski a obtenu le César de la meilleure réalisation en 2020. #MeToo avait fait son apparition trois ans plus tôt et avait chamboulé toute perception que le grand public pouvait se faire du cinéma, en France comme à l’international.
Quatre ans plus tard, peu de choses semblent avoir changé. Gérard Depardieu, Richard Berry, Alain Corneau… les scandales éclatent à mesure que les victimes prennent la parole. La dernière en date est Judith Godrèche, actrice révélée dans « Les Mendiants » et « La Désenchantée », qui a brisé le plafond de verre de la « grande famille du cinéma français » en portant plainte contre les réalisateurs Benoît Jacquot et Jacques Doillon, au motif de violences sexuelles et physiques qu’elle aurait subies dans son adolescence. Très attendu à l’Olympia, son réquisitoire puissant relatant les « deux mains dégueulasses posées sur mes seins de 15 ans » a donné le ton de la cérémonie.
Des discours plus engagés les uns que les autres
L’actualité nationale et internationale s’est amplement invitée durant la cérémonie, au fur et à mesure que la pluie de récompenses s’est abattue. Les équipes du film « Le Règne animal » sont repartis avec cinq récompenses, dont celui des meilleurs costumes, devenant ainsi le premier film contemporain à recevoir ce prix. Également lauréat du meilleur son, l’équipe a rappelé la situation climatique : « Pour la première fois de notre carrière, le tournage a été interrompu par les mégafeux. Il faut que les politiques sortent de leur déni ».
Côté récompense individuelle, Adèle Exarchopoulos, lauréate du César du meilleur second rôle féminin dans « Je verrai toujours vos visages » a choisi de mettre en lumière les « gens qui essaient de réparer l’autre et la société avec les moyens qu’ils ont » tandis que Raphaël Quenard, révélation masculine de l’année a évoqué la situation des agriculteurs, remerciant les « gens qui travaillent chaque jour pour remplir nos estomacs avec des bons fruits, des bons légumes, des bonnes céréales ».
Enfin, l’expression « une image vaut mille mots » a pris tout son sens durant la soirée. Plusieurs personnalités comme Bastien Bouillon, Audrey Diwan ou encore Dali Benssalah ont porté un étrange pin’s rouge. Montrant une main orange avec un cœur noir sur fond rouge, ce pin’s est une initiative du collectif Artists4Ceasefire, un groupe d’artistes exigeant la fin des bombardements à Gaza ainsi que la libération des otages. Joignant le geste à la parole, la réalisatrice Kaoutcher Ben Hania, gagnante du César du meilleur documentaire, a déploré « un premier massacre en live-screen, en direct sur nos téléphones ». Arieh Worthalter, César du meilleur acteur pour « Le Procès Goldman », s’est également joint à l’appel pour un cessez-le-feu, « la vie le demande, celle des Gazaouis et des otages, parce que nous sommes unis en tant qu’espèce ».
« Anatomie d’une chute » est inarrêtable
Avec maintenant six César à son actif (meilleur film, meilleure actrice, meilleure réalisation, meilleur montage, meilleur scénario original et meilleur acteur dans un second rôle), six statuettes aux European Film Awards, deux Golden Globes, un prix Goya ou encore un BAFTA Awards, « Anatomie d’une chute » n’a plus rien à prouver. Sa réalisatrice est devenue la deuxième femme lauréate du César de la meilleure réalisation, mais également la troisième réalisatrice de l’histoire à avoir décroché une Palme d’or à Cannes. Dans son discours de remerciement très engagé, elle a tenu à dédier sa récompense à « toutes les femmes […] à celles qui réussissent et celles qui ratent, celles qu’on a blessées et qui se libèrent en parlant, et celles qui n’y arrivent pas ».
Le film de Justine Triet a désormais toutes ses chances de repartir gagnant aux Oscars le 10 mars prochain.