Selon une récente étude menée par l’université de Bordeaux, les étudiants sont de plus en plus nombreux à se sentir déprimés. Nous sommes allés à la rencontre de jeunes Lillois afin de recueillir leur témoignage.
Depuis le confinement, la santé mentale des étudiants s’est nettement aggravée. Selon une enquête menée par l’Université de Bordeaux, en seulement deux ans, le taux de mal-être chez les étudiants a presque doublé. Ce sont quatre étudiants sur dix qui présentaient des symptômes dépressifs en 2023, contre 26 % avant la crise sanitaire. D’autres chiffres plus alarmants ont été révélés. Les pensées suicidaires des jeunes sont passées de 21 %, avant le Covid, à 29 % en 2023. Alors comment expliquer les causes de ce phénomène ? Dans le cadre de cette étude bordelaise, près de 21 000 étudiants ont été sondés sur la question. Il en ressort qu’entre les problèmes financiers et le sentiment de solitude, les jeunes doivent faire face à de gros défis au cours de leur vie étudiante.
Anaïs, 23 ans, étudiante en égyptologie à l’université de Lille, nous raconte son histoire. À 19 ans, elle déménage seule à Lille pour poursuivre ses études. Depuis 5 ans, elle vit dans un petit appartement étudiant et se sent noyée par ses angoisses : « Ces dernières années, mon mental en a pris un coup. Je ressens un stress constant lié à mes difficultés financières, mes études, la peur de décevoir, la crainte de l’avenir et du chômage ». À cela s’ajoute le sentiment de solitude : « Je ne sors quasiment pas, à part pour aller en cours ou au travail. L’inflation liée à la crise du Covid a nettement impacté ma vie sociale. J’ai encore moins les moyens de me payer de petits plaisirs. J’ai dû revoir toutes mes priorités. » Le Covid, cause majeure de cet essor du mal-être étudiant, a engendré un sentiment de privation sociale à un moment où les jeunes bâtissent leur avenir. « Le Covid a marqué une importante pause dans ma vie professionnelle déjà incertaine. Même après l’obtention de mon diplôme, je ne suis pas sûre de trouver un emploi. »
« J’en viens à compter les centimes »
D’après une étude du conseil d’analyse économique réalisée en 2023, le pouvoir d’achat des jeunes a chuté de 8 % à 10 % après le Covid. Aliénor, étudiante en troisième année de licence en histoire raconte : « J’ai pas mal de difficultés financières, je dois payer mon logement, les charges, les transports et autres abonnements. À la fin du mois, il ne me reste pas grand-chose pour faire les courses ». Son compagnon, Thomas, étudiant en sociologie, rencontre les mêmes difficultés : « J’en viens à compter les centimes pour me nourrir et ça ne fait qu’accroître mon anxiété ».
Des conséquences sur le bien-être
Ces angoisses quotidiennes plongent souvent les étudiants dans une forte détresse. Thomas se confie : « Je commence à perdre goût à ce que j’aimais autrefois. J’ai toujours été passionné de sociologie, mais avec les soucis que mes études engendrent, je commence peu à peu à me désintéresser. Je pense souvent à tout arrêter ». Ce mal-être accompagne parfois de problèmes de santé, comme nous l’explique Anaïs : « J’ai eu pas mal de problèmes de santé liés au stress. J’ai perdu 8 kg depuis le début de l’année 2024. » Des conséquences lourdes sur la santé mentale et physique de ces jeunes. Ils doivent et peuvent se faire aider mais n’en ont pas toujours conscience. Des services de santé étudiante existent pourtant dans chaque université.
* Étude I‑Share de l’université de Bordeaux rendue public par France Inter et le magazine Marianne le 14 mars 2024.
Avoir une pensée suicidaire n’est pas anodin. Faites-vous aider en appelant le 3114.
Partout en France, l’association Nightline met en place une ligne d’écoute pour les étudiants. Ce dispositif, importé des pays anglo-saxons, permet aux étudiants d’appeler l’association entre 20 h 30 et 2 h30 et de leur proposer une écoute active. D’après l’association, les premiers sujets abordés par les étudiants sont la vie sociale, mais aussi leur stress et anxiété. Avec ses actions de sensibilisation, Nightline espère continuer de déstigmatiser la détresse, trop fréquente chez les étudiants.