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    Procès Mazan, le silence assour­dis­sant des politiques

    Depuis le 2 septembre, 51 hommes sont jugés pour avoir violé Gisèle Pelicot, droguée par son mari. En refusant le huis clos, Gisèle Pelicot a tenu à faire de ce procès un déto­na­teur. L’affaire jugée actuel­le­ment devant la cour cri­mi­nelle du Vaucluse a beau susciter un immense intérêt du public et des médias, elle provoque peu de réactions de la part des élus.

    Le procès des viols de Mazan, qui a ouvert l’actualité de la rentrée 2024 détaille le calvaire subi par Gisèle Pelicot, violée et droguée par son ex-​époux et par une cin­quan­taine d’hommes. Sur cette histoire tout aussi sai­sis­sante, effrayante, les res­pon­sables poli­tiques se montrent discrets, avares de com­men­taires, peu pressés d’en tirer des leçons et pro­po­si­tions. Ce, malgré l’attention média­tique que suscite cette affaire, et malgré l’intérêt de la popu­la­tion pour ce qui se passe devant la cour cri­mi­nelle du Vaucluse. D’après un sondage publié par l’IFOP le 3 octobre (auprès d’un échan­tillon restreint de mille personnes), plus de huit Français sur dix ont entendu parler de ce procès, et près des trois quarts estiment qu’il témoigne de « la per­ma­nence et la bana­li­sa­tion des violences sexuelles dans notre société ». De quoi renforcer l’idée qu’il constitue un tournant dans la prise de conscience de cette réalité. Le procès, relaté en temps réel par la presse et les jour­na­listes eux-​mêmes sur leurs réseaux sociaux (cf Juliette Campion sur X) démontre la dimension sys­té­mique des violences sexistes et sexuelles, donnant ainsi une dimension politique à l’affaire. Les témoi­gnages des 51 hommes accusés, montrent à quel point la culture du viol est ancré dans l’imaginaire d’hommes qui consi­dé­raient comme accep­table de profiter d’un corps inanimé pour leur plaisir. 

    Une affaire qui dépasse le fait divers et appelle à la politisation

    Les poli­tiques, pourtant, sont pour l’instant restés assez muets. Comme s’ils se tenaient à l’écart d’un phénomène qui les dépassent, ou qui les met mal à l’aise. Cependant, ce fait divers qui relève plus d’un phénomène de société à tous les ingré­dients de la poli­ti­sa­tion. D’abord parce que la victime, Gisèle Pelicot, a refusé le huis clos et c’est une victime qui incarne malgré elle tout le poids du patriar­cat. Par ailleurs, l’affaire dite de Mazan a pris une ampleur consi­dé­rable, en France et à l’étranger. Une mobi­li­sa­tion énorme s’est créée pour soutenir Gisèle Pelicot, dénoncer les violences faites aux femmes mais aussi sen­si­bi­li­ser sur les viols sous sou­mis­sion chimiques encore trop méconnus. De plus, de nombreux hommes ont signé des tribunes ou bien pris par la parole pour se posi­tion­ner en alliés, comme si depuis le 2 septembre une prise de conscience avait opéré dans la tête de certains. Mais malgré tout ça, le silence politique est assour­dis­sant. Selon la magis­trate Magali Lafourcade, inter­ro­gée sur France Culture : “on a vu une réaction politique à l’affaire de Philippine, violée et tuée, parce que ça rentrait dans des pro­grammes et la pensée politique du nouveau gou­ver­ne­ment c’est-​à-​dire l’OQTF et les migrants.” Alors que sur l’affaire Mazan, qui sont des Français ordi­naires, des “monsieur tout-​le-​monde”, des “bons pères de famille”, les poli­tiques semblent pris de court. 

    Un phénomène dont seules les femmes s’emparent

    Les voix habi­tuelles, engagées dans la lutte contre les violences sexuelles physiques, se sont fait entendre, avec leurs nuances, pour rappeler la pré­va­lence d’un phénomène qui a touché 247 000 personnes en 2021 selon la dernière enquête du ministère de l’Intérieur. Parmi elles, Clémentine Autain (ex-​La France insoumise, LFI), Aurore Bergé (Renaissance), Sarah Legrain (LFI), Laurence Rossignol (Parti socia­liste), Sandrine Rousseau (Les Ecologistes), Véronique Riotton (Renaissance). Et la secré­taire nationale d’Europe Écologie les Verts, Marine Tondelier, s’est rendue au procès à Avignon le 8 octobre dernier. Des femmes donc, comme l’immense majorité des victimes de ces violences, 88 % selon la même enquête. Seulement quelques hommes poli­tiques ont pris la parole comme François Hollande ou Raphaël Glucksmann dans un long texte sur Instagram. Ailleurs, le mutisme prévaut notamment au sein du gou­ver­ne­ment, la secré­taire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, Salima Saa, a seulement promis le 4 octobre un « plan de bataille » contre les violences sexuelles fin novembre. Aucune réaction des ministres. Au vu de leur mutisme, ces derniers semblent consi­dé­rer le procès des viols de Mazan comme une affaire extra­or­di­naire, excep­tion­nelle, “hors normes”, plutôt que comme la confir­ma­tion de la banalité du viol.

    Y aura-​t-​il un avant et un après procès des viols de Mazan ? Ce qui se passe depuis début septembre devant la cour cri­mi­nelle d’Avignon va-​t-​il créer la même défla­gra­tion que celle, par exemple, du procès de Bobigny en 1972 qui devait conduire 3 ans plus tard à la léga­li­sa­tion de l’IVG ? Après Mazan, la loi française va-​t-​elle évoluer pour aider à mieux lutter contre le viol et les violences sexuelles ? Ce qui est certain, c’est que ce procès sans précédent n’appartient plus à la catégorie des faits divers. 

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