Depuis plusieurs mois, chaque semaine, les Mineurs Non Accompagnés (MNA) manifestent par dizaine, sous les fenêtres de l’hôtel du département du Nord. Confrontés à une précarité extrême au sein du campement de Bois-Blancs, ils revendiquent un hébergement stable ainsi qu’un accompagnement adapté. Le Conseil départemental s’avoue dépassé.
Je voudrais aller à l’école
Souvent marqués par la misère économique et les violences intra-familiales, les MNA de Bois-Blancs partent avec un but commun : s’assurer un avenir stable en Europe. Principalement originaires d’Afrique de l’Ouest (70%), ils arrivent seuls en France se heurtant à de nombreux obstacles, parmi lesquels : l’accès à l’éducation, à la santé ainsi qu’à un suivi psychologique. La barrière de la langue et l’isolement social complexifient cette intégration. En témoigne Tierno, mineur de 15 ans, pour qui l’apprentissage de la langue française est un objectif. Lors de notre visite, ce jeune Guinéen questionnait régulièrement les bénévoles pour obtenir des informations sur la scolarisation. « Je voudrais aller à l’école », affirme-t-il, démontrant une envie pressante de reprendre les cours. Toutefois, par manque de papiers, sa situation est bloquée. En contact avec sa famille restée en Guinée, celle-ci lui enverra prochainement les documents nécessaires.
Les enjeux humanitaires et institutionnels
« Le principal défi des MNA repose sur la reconnaissance de leur statut de mineurs », déclare Étienne, bénévole retraité chez Utopia 56. Être reconnu en tant que mineur, demeure une condition essentielle pour accéder à une prise en charge par l’Aide sociale à l’enfance (ASE). Or, les procédures actuelles de vérification d’âge, gérées par le dispositif EMA (Évaluation Mise à l’Abri), retardent souvent leur protection. Les évaluations, effectuées par des éducateurs spécialisés et des juristes, portent sur « le parcours migratoire, la scolarisation et la composition familiale des présumés mineurs », confie Nadia, bénévole active. Mais la grande majorité des entretiens débouche sur une réponse négative. Les jeunes font donc un recours auprès du juge des enfants. De là, s’en suit un long processus qui peut s’étendre sur une année complète. Pendant cette période transitoire, les MNA n’ont plus de protection officielle. Pourtant, depuis deux ans et demi, « 80 % des jeunes qui font appel sont finalement reconnus mineurs, soit 8 jeunes sur 10 », rappelle Étienne, s’appuyant sur des chiffres officiels d’Utopia 56. Cette statistique démontre une faille structurelle : « ils vivent dans la rue pour rien », s’exaspère Nadia. C’est pourquoi, chaque semaine, les jeunes se rendent devant le département du Nord. Leurs objectifs ? Dénoncer leurs conditions de vie précaires et réclamer de meilleures mesures de protection. « Il faut que cela fasse l’objet d’une loi », insiste le retraité, afin de rappeler que l’instauration d’une présomption de minorité garantirait une protection temporaire.
Une responsabilité partagée entre l’état et le département
« Depuis le 21 septembre, ça commence à bouger », indique Étienne. À l’occasion des Journées du Patrimoine, le campement des MNA a été ouvert au public et notamment aux élus, révélant la dureté de leur quotidien. Le premier adjoint au maire de Lille, Arnaud Deslandes, présent à l’évènement, a ainsi interpellé le Conseil départemental du Nord dans une lettre publiée sur X, le 20 septembre. Il réaffirme que la mairie a collaboré avec des associations pour garantir un accès à l’eau et améliorer les conditions sur place, tout en soulignant les limites de son action. La ville appelle le département du Nord à prendre ses responsabilités « pour assurer la mise à l’abri des jeunes » et demande l’intervention de l’État pour apporter des solutions concrètes et durables. Le département du Nord reconnaît la complexité de la situation et insiste sur ses limites structurelles. L’afflux de demandes semble dépasser ses capacités. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : le Nord est le département qui accueille le plus de mineurs étrangers en France. En 2023, 765 MNA lui ont été confiés sur décision de justice.