Avec le décès de Daniel Bouwet, survenu le lundi 13 janvier à l’âge de 98 ans, c’est une page importante de la mémoire résistante du Nord qui se referme. Il était le dernier témoin vivant du tristement célèbre « train de Loos », un convoi de 871 prisonniers politiques déportés vers l’Allemagne à la veille de la libération de Lille, en septembre 1944.
Une vie de résistance
Né en 1926 à Lambersart, Daniel Bouwet s’engage très jeune dans la Résistance, à seulement 17 ans. Arrêté une première fois en 1943 alors qu’il tentait de rejoindre les Forces françaises libres via l’Espagne, il s’échappe du train qui le menait à l’internement. De retour dans la région lilloise, il rejoint les Francs-tireurs et partisans français (FTPF) en janvier 1944, multipliant les actions contre l’occupant nazi. Capturé par la Gestapo le 31 mai 1944, il est condamné à mort avant d’être emprisonné à Loos. Le 1er septembre, il est déporté avec des centaines d’autres résistants vers les camps de concentration de Sachsenhausen, Neuengamme et Bergen-Belsen, où il subira tortures, malnutrition. Un voyage infernal qui ouvre la porte à un calvaire indicible. Pendant huit longs mois, le prisonnier endure des sévices physiques, des privations constantes et l’effroyable spectre de la mort, en assistant aux pires exactions par les gardes nazis. Chaque jour devient une lutte pour sa survie. Lorsqu’il est libéré par l’armée britannique en avril 1945, il n’incarne plus que l’ombre de lui-même, pesant à peine 35 kilos.
Après ces épisodes traumatiques de la Seconde Guerre mondiale, Daniel Bouwet trouve la force de s’engager auprès de l’armée française. Il combat dans un premier temps en Indochine, puis en Algérie, avant de revenir en France, où il travaille à la manufacture des Tabacs de Lille. Sa discrétion tranche avec l’immense courage dont il a fait preuve tout au long de sa vie. Un courage hautement récompensé le 7 novembre 2022. Ce jour-là, Daniel Bouwet est élevé au rang de Grand-Croix de la Légion d’honneur, une reconnaissance suprême pour ses actes héroïques et son rôle dans la transmission de la mémoire.
Le train de Loos : une page sombre de l’Histoire française
Alors que les forces alliées progressent rapidement vers le nord de la France, à l’aube du 1er septembre 1944, les nazis organisent un ultime acte de répression. Depuis la prison de Loos, située près de Lille, un convoi de plus de 800 détenus est formé. Destiné à transporter des résistants et des civils vers les camps de concentration, ce train symbolise à lui seul la barbarie du régime nazi.
Pendant plus de 40 interminables heures, les prisonniers, entassés dans des wagons à bestiaux sans eau ni nourriture, sont conduits à destination. Le 4 septembre, ils atteignent Cologne, où certains sont envoyés à Mülheim pour déblayer les ruines, tandis que d’autres poursuivent jusqu’à Oranienburg. Là, le 7 septembre, ils marchent 30 kilomètres jusqu’au camp de Sachsenhausen. En octobre, ils sont dispersés dans différents camps, où les privations et les violences se multiplient. Sur les 871 déportés, seuls 275 survivront. Aujourd’hui, le train de Loos est reconnu comme l’un des épisodes les plus dramatiques de la déportation en France. En témoigne l’ouvrage mémorial « Histoire et mémoire des déportés du train de Loos », édité par La Voix éditions à l’occasion du 80ᵉ anniversaire du départ du convoi.
L’héritage de Daniel Bouwet apparaît comme une piqûre de rappel sur l’importance de préserver la mémoire et de transmettre les leçons du passé aux générations futures. Une page de cette mémoire s’éteint avec lui, mais ses témoignages continueront d’inspirer.
Les obsèques de Daniel Bouwet se sont tenues ce mardi 21 janvier 2025 à 9h15, à l’église Saint-Christophe de Lomme.