Descartes disait : « Les bêtes n’ont pas seulement moins de raison que les hommes, elles n’en ont point du tout ». Une vision que le réalisateur Franck Dion semble illustrer à la lettre au travers de l’exposition « Animalis Machina, Cococh-Industry », à découvrir jusqu’au 2 mars 2025.
« Bienvenue dans la galaxie des produits Cococh Industry », peut-on lire sur les murs du Tripostal à Lille. « Vous découvrirez ici la philosophie d’une marque éthique et moderne, respectueuse du bien-être de nos animaux machines, produits sans violence ni maltraitance ». Avec ces quelques mots terrifiants, Franck Dion nous plonge au cœur du processus de fabrication de cette fabrique alimentaire futuriste où l’animal occupe une place centrale. Mais pas question de bien-être animal… Ce dernier n’est qu’un produit car : « le Cococh exempt l’animal de toute forme de souffrance physique et d’anxiété qui pourrait rendre son exploitation inhumaine ». Une rhétorique orwellienne qui masque à peine l’horreur d’un monde où l’animal n’est plus qu’un produit exploité sans relâche.
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Cococh Industry : quand l’émerveillement côtoie le malaise
C’est une scénographie immersive que propose le réalisateur bien connu du milieu du film d’animation. Guidé par des câbles électriques au sol, le spectateur déambule devant les mapping de la Cococh Industry, se glissant dans la peau d’un actionnaire de cette entreprise. « C’est comme si on visitait une vraie usine. C’est à la fois beau et terriblement dérangeant », confie une visiteuse de passage à Lille.
L’exposition joue habilement sur le contraste entre l’émerveillement enfantin et l’effroi adulte. Si les enfants s’extasient devant la petite Renée 1637 ou le secteur Doudou, les adultes, eux, sont confrontés à des questions existentielles sur notre rapport à la technologie, à la consommation et au vivant. Jusqu’où peut-on pousser l’automatisation de la production alimentaire ? Comment concilier progrès technologique et respect de la nature ? « Au delà des animaux, l’exposition interroge aussi notre rapport à la surconsommation », raconte Marlène, le regard perplexe devant la bouteille Cococh-Cola, un soda « produit dans le plus strict respect du bien-être de la machine qui le génère en continu 24h sur 24, 7 jours sur 7 », selon les dires de l’entreprise. Une représentation parfaite de la façon dont le capitalisme débridé peut transformer même les objets les plus anodins en symboles d’une exploitation sans fin.
Pour répondre à ces préoccupations, plusieurs ateliers créatifs et des débats philosophiques seront organisés tout au long de l’exposition. L’occasion pour les adultes comme pour les enfants de s’interroger sur leur rapport avec les animaux et la surconsommation. Pour plus d’informations, rendez-vous sur le site de l’exposition.
L’avis de Contrepoint
Franck Dion nous plonge dans un univers cauchemardesque où l’éthique est pervertie au profit d’une productivité sans limites. La justification de cette entreprise est aussi fallacieuse que perverse et rappelle les pires dérives de l’histoire, où la déshumanisation a toujours précédé l’exploitation. En France, des associations comme L214 s’efforcent de lever le voile sur les pratiques de l’industrie agroalimentaire, révélant souvent des conditions d’élevage qui font fi du bien-être animal. Ces révélations mettent en lumière un système qui, à l’instar de la Cococh Industry, considère les animaux comme de simples marchandises, dénuées de toute valeur autre que leur rendement économique. Pour approfondir le sujet, nous vous conseillons le film « Okja » sur Netflix, une histoire d’amitié entre une jeune fille prénommée Mija et Okja, un énorme animal capturé par une multinationale familiale dans le but d’être exploité par différents groupes capitalistes.