La Bruxellisation. Ce terme, inconnu des Français, s’apparente pour les Belges à un traumatisme. Ce phénomène, apparu à la seconde moitié du XXe siècle, a entièrement métamorphosé le paysage Bruxellois, le modernisant, au détriment des quartiers historiques et des habitants de la ville…
« C’est la dénonciation d’un acte de barbarie », explique Géry Leloutre, professeur d’architecture à l’Université Libre de Bruxelles. Le mot, apparu dans les années 1968 lors des mouvements de contestation, critique les démolitions au coup par coup dans la ville de Bruxelles. Mais comment ce phénomène a‑t-il pu voir le jour ?
Une modification du paysage urbain
Lorsque l’on lève les yeux dans certains quartiers de Bruxelles, on peut vite se sentir submergé par la grandeur de certains bâtiments. Pourtant, il est aussi possible de trouver en face de ces grands buildings, des immeubles d’un style architectural plus vieux, qu’ils soient en bon état ou alors, totalement laissés à l’abandon…
Collusion entre secteur privé et public
« En Belgique, l’état ne s’est jamais donné comme prérogative de construire la ville », indique-t-il. Le secteur privé s’est donc octroyé ce devoir, béni par le secteur public qui lui a permis d’user d’expropriation (procédure permettant de contraindre une personne ou une entreprise à céder sa propriété moyennant finance). « Les promoteurs achetaient des bâtiments, les laissaient à l’abandon pour qu’ils perdent de la valeur », raconte le professeur, « des îlots entiers ont donc pu être détruits dans cette démarche spéculative ».
Contestations citoyennes
Ce mode de fonctionnement a toutefois fini par créer des mouvements de contestation. « Comme ils ne prenaient pas en compte l’avis des habitants, ces derniers ont fini par s’insurger », précise Géry Leloutre, « ils ont résisté et ont fini par bloquer certains travaux, les empêchant de pouvoir être finis ». Certains se souviennent aussi encore du choc de ce changement drastique de paysage. « C’était n’importe quoi », fustige Bernard, ayant vécu de plein fouet ce phénomène, « les promoteurs ont éventré des quartiers entiers pour y construire de grands bâtiments qui gâchent la vue ».
Et de nos jours ?
À partir des années 1990, il y a eu une volonté de rénovation des quartiers ravagés par la bruxellisation. « De l’argent public a été injecté afin de racheter des immeubles et d’attirer des gens » explique le professeur. Le but : changer l’image de la partie centrale. Aujourd’hui, la situation est plus apaisée bien que certains quartiers de la ville rappellent encore cette période de l’histoire de Bruxelles…