Le 9 septembre, Emmanuel Macron a nommé Sébastien Lecornu au poste de Premier ministre, ajoutant un nouvel épisode à l’instabilité politique qui secoue la France. Fidèle du président, le nouveau chef du gouvernement avance avec prudence, à la recherche d’un équilibre fragile. En Espagne comme en Allemagne, cette nouvelle recomposition est observée avec une attention particulière.
Henry de Laguérie, journaliste basé à Barcelone, apporte un éclairage précieux sur la manière dont les Espagnols perçoivent la situation politique en France. Selon lui, « l’instabilité politique en France est largement commentée et suivie par les médias espagnols. Il y a cette impression que, depuis la dissolution en juin 2024, la France traverse une période d’instabilité chronique. Cette situation inquiète en Espagne, car la France est un pays très important de l’Union européenne et reste son principal voisin. »
Il souligne également que « le très bon score de l’extrême droite suscite une inquiétude notable, d’autant que l’Espagne est encore gouvernée à gauche. » Pour lui, « les Espagnols ont du mal à comprendre pourquoi les réformes sont si difficiles à mener en France, comparant cela à leur propre expérience passée, et perçoivent les Français comme fréquemment en colère, avec une violence latente qui éclate souvent dans les manifestations. » Bien que son image ait été légèrement ternie, Emmanuel Macron conserve en Espagne une certaine estime, « Il reste perçu comme un grand leader capable de bien s’exprimer. »
Du côté allemand, l’analyse est tout aussi préoccupée. Birgit Holzer, correspondante pour plusieurs quotidiens germanophones et enseignante à l’Université Sorbonne Nouvelle, rapporte que cette séquence est observée « avec un mélange d’inquiétude et d’étonnement ». Elle explique que « la France semble dans une situation de blocage, alors qu’on avait beaucoup d’espoir au moment de l’arrivée d’Emmanuel Macron pour réformer le pays et le faire avancer. » Aujourd’hui, constate-t-elle, « on voit des manifestations et aucun parti ne semble vouloir travailler avec un gouvernement lui-même peu enclin aux compromis. »
L’inquiétude porte aussi sur la possibilité d’une arrivée au pouvoir de l’extrême droite, « cela nuirait à la coopération franco-allemande et à l’unité européenne. » Elle ajoute : « la France est traditionnellement vue comme un pays politiquement stable, avec un président puissant, mais on réalise que ses pouvoirs sont limités. Il n’existe pas vraiment de culture du dialogue entre partis au Parlement, tout passe par l’Élysée et Matignon. Les débats restent centrés sur quelques sujets. » Quant à l’avenir, Birgit Holzer se montre réservée « Il faudra attendre 2027, sans garantie de majorité claire. On peut donc s’interroger sur la viabilité du système politique. » Elle conclut en établissant un parallèle avec le fonctionnement politique outre-Rhin, « en Allemagne, les partis doivent former des compromis pour gouverner, avec moins d’opposition frontale, bien que cet exercice devienne de plus en plus complexe. »
Sébastien Lecornu, nouveau capitaine d’un navire à la dérive
Désormais seul à la barque de Matignon, Sébastien Lecornu hérite d’une mission particulièrement délicate. Il faut tenter de rassembler un spectre politique allant du Rassemblement National à La France Insoumise. Une ambition d’autant plus compromise que le mouvement de Jean-Luc Mélenchon a déjà quitté le navire avant même le début de la traversée. Dans ce contexte tendu, chaque nom avancé pour composer le gouvernement doit être choisi avec une extrême prudence, l’objectif étant de construire une majorité, même fragile, capable de soutenir l’action de l’exécutif. Depuis 2022, la France a vu défiler cinq Premiers ministres (Élisabeth Borne, Gabriel Attal, Michel Barnier, François Bayrou et désormais Sébastien Lecornu). Une valse qui illustre l’instabilité chronique au sommet de l’État. La rue, elle, continue de gronder, portée par des revendications sociales persistantes. Cette situation alimente les doutes à l’international. Plusieurs partenaires étrangers s’interrogent sur la fiabilité de la France, que ce soit pour s’y associer ou y investir.