Bernard Zenou, né en 1940 à Bou-Saada, raconte l’Algérie française et l’exil. Son témoignage est révélateur du vécu particulier de la communauté juive d’Algérie. Le décret Crémieux a permis la naturalisation systématique des “Israélites indigènes” dès 1870, contrairement à leurs congénères musulmans dont la citoyenneté était conditionnée au renoncement de la juridiction islamique.
Avant de quitter l’Algérie la veille de la proclamation de l’indépendance, Bernard Zenou a grandi dans un pays qu’il vante riche de sa diversité. À Bou Saada, les communautés juive, arabe, mozabite et française cohabitaient. Il confie qu’il était “très bon élève” à l’école Chalon et que malgré le harcèlement vécu au début de l’école primaire, les tensions communautaires entre les élèves s’amenuisaient avec les années.
La communauté juive était très bien intégrée au reste de la population. “Nous étions présents dans toutes les strates sociales. Au sud, notre communauté était présente dans l’administration notamment.” Une histoire oubliée suite au départ de près d’un million de Français d’Algérie – Juifs compris – vers la métropole à la fin de la guerre. En créant un mythe national algérien centré sur l’identité arabo-musulmane, la communauté juive se retrouve aliénée. “Je suis arabophone et ça surprend encore”. Il semblerait que dans l’imaginaire collectif post-indépendance, une personne de confession juive ne peut être arabophone et algérienne de culture à la fois.
“On ne savait pas ce que voulait dire Pieds Noirs, ils étaient Français”
Bernard Zenou estime que la vision actuelle de l’Algérie française en déforme quelques aspects. “Le vivre-ensemble a bel et bien existé. J’ai vu les antagonismes que l’on connaît aujourd’hui émerger avec la guerre”. Selon lui, ceux qui ont côtoyé la communauté française depuis l’enfance ne les considéraient pas comme des étrangers ou des Pieds Noirs. « C’était une communauté certes différente, mais pas étrangère pour autant. »
“Je me souviens de la guerre d’Algérie comme d’une période ou tous étaient anxieux, tout le temps”. De l’autre côté de la Méditerranée, des étudiants manifestaient déjà en faveur de l’indépendance de l’Algérie. “Beaucoup espéraient une Algérie indépendante avec toutes ses communautés. Je ne désire pas visiter l’Algérie aujourd’hui car je ne me reconnais plus en elle”.