La minorité chrétienne en Inde fait face à d’importantes persécutions. Bien qu’elle constitue l’une des plus anciennes communautés chrétiennes au monde, ses conditions de vie dans le pays sont aujourd’hui compliquées, et la situation continue d’empirer.
Le Christianisme est présent en Inde depuis presque le début du Christianisme. Selon la Tradition, l’apôtre Saint-Thomas est arrivé en Inde en l’an 52 avec l’objectif d’évangéliser la population. Il a enseigné et baptisé de nombreux nouveaux chrétiens et aurait même converti le prince Gundaphor. En 72, il meurt en martyr d’un coup de lance, à Mylapore, dans le sud-est du pays.
« Les Chrétiens de Saint-Thomas » : l’une des plus anciennes communautés chrétiennes au monde
Son arrivée en Inde, et la légende qui en a été faite, a fortement influencé le christianisme dans le pays. Aujourd’hui, il existe encore deux rites catholiques, les Syro-Malabars et les Syro-Malankars, qui se nomment les « Chrétiens de Saint-Thomas ». Ils sont principalement localisés dans l’État du Kerala, au sud de l’Inde. Ils honorent Saint-Thomas pour avoir apporté la religion en Inde et représentent une des communautés chrétiennes les plus anciennes du monde. Cependant, le christianisme en Inde ne se limite pas qu’à ces rites catholiques. On y trouve également le rite romain, introduit par les Portugais, les Italiens et les jésuites irlandais au XVIe siècle. Depuis le 19e siècle, il existe également quelques dénominations protestantes. Aujourd’hui, le nombre de chrétiens est estimé à 69 millions. Selon la World Christian Database, les Chrétiens représentaient 5 % de la population en 2020. En 2011, ils n’étaient que 3 %.
Onzième sur la liste des persécutions chrétiennes
Selon l’association Portes Ouvertes, qui s’occupe de la persécution des chrétiens dans le monde, l’Inde se trouve en onzième position des pays qui persécutent le plus les chrétiens en 2023. Pour comprendre cette situation, il faut remonter dans l’histoire. L’Inde a, en effet, connu des tensions avec d’autres religions au cours de son histoire, notamment avec l’Islam et le conflit avec le Pakistan. La violence de cette période marque encore les esprits en Inde aujourd’hui. Selon Christophe Jaffrelot, spécialiste du pays, il y a l’idée que seuls les hindous sont légitimes à vivre en Inde. Elle remonterait aux années 1920, lorsque les musulmans avaient lancé de grandes manifestations dans le pays pour protester contre le démantèlement de l’Empire ottoman. Ces manifestations visaient initialement les Britanniques, mais ceux-ci étant intouchables, les hindous sont devenus la principale cible des manifestants. Et pour eux, les manifestations musulmanes étaient la preuve qu’ils étaient plus attachés aux autorités étrangères qu’à l’Inde. Ces événements ont donc créé un sentiment de rejet à l’égard des autres religions qu’ils considèrent comme « étrangères ».
« Hindutva », une idéologie soutenue par le peuple et le gouvernement
Ce sentiment ne vient pas seulement du peuple, mais aussi du gouvernement. Depuis que le nationaliste hindou Narendra Modi a été élu Premier ministre en 2014, puis réélu en 2019, les minorités religieuses de l’Inde sont soumises à des pressions croissantes. Les musulmans et les chrétiens, qui sont les deux religions « étrangères » en forte croissance, sont les principales cibles. Les extrémistes hindous visent à nettoyer le pays de leur présence et de leur influence. Ils s’appuient sur l”« Hindutva », une idéologie nationaliste hindoue qui ne considère pas les chrétiens indiens et les autres minorités religieuses comme de véritables Indiens parce qu’ils croient en quelque chose qui ne vient pas d’Inde. Les non-hindous sont considérés comme des citoyens de seconde zone. Cette idéologie affirme que le pays doit être « purifié » de leur présence.
De nombreuses attaques contre les Chrétiens
Les manifestations violentes contre les Chrétiens sont donc en augmentation. Un exemple bien connu qui a marqué la communauté chrétienne en Inde est le massacre de Kandhamal. Il s’agit d’émeutes qui ont eu lieu à la fin de l’été 2008. Des hindous extrémistes ont accusé les chrétiens d’avoir assassiné un chef religieux hindou, bien que des maoïstes l’aient revendiqué. Plus d’une centaine de chrétiens ont été tués, et environ 300 églises et 3 000 maisons chrétiennes ont été détruites. 56 000 personnes ont été contraintes de quitter la région. Plus récemment, fin décembre 2022, des chrétiens de 20 villages des districts de Narayanpur et de Kondagaon, dans l’État du Chhattisgarh, ont été attaqués par des nationalistes hindous radicaux pour avoir refusé de se reconvertir du christianisme à l’hindouisme.
Lois anti-conversion
Les Chrétiens sont également souvent accusés de convertir les hindous par la force. Huit États ont adopté des lois anti-conversion, dont beaucoup sont contestées devant la Cour suprême. Les Chrétiens craignent que ces lois ne soient étendues à l’ensemble du pays. Elles sont souvent utilisées comme une arme pour harceler et persécuter les croyants d’origine hindoue. Les nationalistes hindous ont même un programme de reconversion des hindous devenus chrétiens.