Le rapport de l’assureur-crédit Allianz Trade est catégorique : l’Europe doit se méfier de l’essor des véhicules électriques à batterie chinoise pour éviter que son industrie automobile et son économie ne reçoivent un gros coup de massue.
Les ventes de véhicules à énergie alternative dans l’UE ont atteint un record en 2022, avec 4,4 millions d’exemplaires vendus, soit 47% des immatriculations de véhicules neufs en Europe, contre 11% il y a deux ans, selon le rapport d’Allianz Trade. Mais l’Europe, premier exportateur mondial de voitures, est derrière le leader chinois et ses 5,4 millions de véhicules électriques immatriculés en 2022, soit les deux tiers du total mondial, d’après le rapport d’Allianz Trade.
Non seulement la Chine a compris, il y a 15 ans déjà, le potentiel de la voiture électrique, mais l’Empire du Milieu séduit de plus en plus les consommateurs européens. De grandes entreprises (BYD, Geely ou la joint-venture SGMW) arrivent en force. « Les trois voitures à batterie les plus vendues en 2022 sont chinoises », d’après le directeur souscriptions des risques Benelux Allianz Trade, Johan Geeroms. « Bientôt, toutes les voitures viendront de Chine, qu’elles soient fabriquées par une marque chinoise ou bien qu’elles soient de marque américaine et européenne fabriquée sur le sol chinois (…) Le préjugé selon lequel les voitures chinoises sont de qualité inférieure n’est plus d’actualité », explique-t-il.
Danger en vue en Allemagne
Si les constructeurs chinois augmentaient leurs parts de marché intérieur à 75% d’ici 2030, les ventes totales en Chine des constructeurs automobiles européens chuteraient de 39%, la production locale passant d’environ 4,4 millions d’unités à 2,7 millions en 2030. Si les importations chinoises en Europe atteignaient 1,5 million de véhicules en 2030, soit 13,5% de la production de l’UE en 2022, l’impact de la valeur ajoutée sur l’économie européenne s’élèverait à 24,2 milliards d’euros en 2030 pour le secteur automobile, soit l’équivalent de 0,15% du PIB de la région en 2022. Mais les économies dépendantes de l’automobile que sont l’Allemagne, la Slovaquie et la République tchèque pourraient être encore plus durement touchées (0,3% à 0,4% du PIB).
Actuellement, quatre voitures sur cinq vendues en Europe sont également assemblées sur le continent. L’automobile, plus grand secteur industriel d’Europe, représente 10% de la valeur ajoutée du secteur manufacturier, un chiffre plus élevé même en Allemagne (15%), Hongrie, République tchèque et Slovaquie (environ 20% ou plus). L’industrie automobile est également un client important dans les secteurs du métal, du plastique et de l’électronique.
Une Europe trop dépendante
Selon Johan Geeroms, « cet essor chinois est un énorme coup dur pour l’industrie automobile européenne, mais aussi pour l’économie européenne dans son ensemble ». Le marché automobile européen a généré ces dix dernières années entre 70 et 110 milliards d’euros d’excédent commercial pour l’économie européenne d’après le rapport d’Allianz Trade.
« L’ensemble de l’écosystème européen autour de la construction automobile est en train d’être repensé. Il s’agit d’une menace directe non seulement pour les constructeurs automobiles eux-mêmes, mais aussi pour le vaste réseau d’entreprises qui les entoure », ajoute-t-il.
Comment stopper cette progression chinoise ? Pour Johan Geeroms, « il faut se pencher sur les conditions commerciales. Les décideurs politiques doivent s’efforcer de maintenir l’assemblage au sein de l’UE. Il est important que l’UE investisse de manière substantielle dans la technologie des batteries et produise du lithium pour son propre usage.»
Produire ses propres batteries, un enjeu de taille pour l’industrie automobile, car si les batteries coûtent plus cher, la propulsion électrique est plus simple et nécessite moins de pièces. Afin aussi que l’UE ne dépende pas de la Chine et évite que ses constructeurs automobiles perdent plus de 7 milliards d’euros de bénéfices nets annuels d’ici 2030, comme l’estime Johan Geeroms.