Ce lundi 27 janvier, le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés a publié une nouvelle enquête effectuée cet été à Calais. Il préconise l’ouverture de nouvelles voies légales pour la traversée de la Manche. Mais en attendant la mise en place des mesures, et derrière les statistiques, des centaines de migrants restent bloqués dans ces camps qui transgressent tous les articles des droits de l’homme.
Une zone industrielle comme tant d’autres en France. Nous sommes à cinq kilomètres du centre-ville de Calais, et le vent souffle à tel point que tous les hommes (très peu de femmes sont présentes dans les camps) sont obligés de se coiffer du bonnet le plus chaud et de la cagoule la plus épaisse.
Mais passé la porte de cet entrepôt abandonné, ce n’est plus la peau qui est agressée. Une odeur imprègne nos sinus et saisit nos poumons. C’est le mélange de transpiration intense, de nourriture abandonnée au sol et de relents d’urine et de défécations. Le tout, dans un noir particulièrement intense. On ne voit plus rien, la lumière du jour n’ose s’y aventurer. Dans cet entrepôt, des hommes avancent sur des sentiers étroits, aussi fragiles et précis qu’une poutre de gymnastique, serpentant entre des centaines de tentes, parfois alignées avec soin, parfois jetées au hasard. Un seul espace s’octroie plus de deux mètres carrés : la zone de prière. Les réfugiés s’y relaient en silence. Ces tapis, maintenus par des Corans à chaque coin, ne sont jamais laissés à l’abandon.
Ici, au point français le plus proche de la côte britannique, ils ont déjà parcouru plus de 5 000 kilomètres, parfois sur plus d’une année. Et la France n’est pas leur destination finale. C’est le cas d’Adam qui, comme la plupart des autres réfugiés, vise l’Angleterre. Il est arrivé au camp calaisien en septembre. Lorsqu’on lui demande pourquoi il a quitté le Soudan, sa terre natale, son ton monte autant que les souvenirs dans son esprit. « Tu as vu ce qu’il se passe là-bas ? Tu as vu les images ? La télé ?», raconte-t-il en montrant un téléphone et laissant un blanc culpabilisant, « Tout le monde est parti évidemment. Il n’y a plus personne là-bas !»
« Je rêve de devenir businessman »
À côté, au milieu des tentes, où un rat se faufile discrètement entre deux discussions, Imad, 28 ans, complète le récit de son compatriote. Lui aussi fuit la guerre soudanaise. Il est arrivé en octobre et il raconte ses tentatives infructueuses de rejoindre l’Île Britannique. « J’ai déjà essayé quatre fois. À chaque fois le même problème, c’est la police qui nous attrape et on est de retour ici », explique, en souriant, le jeune homme qui n’a pas souhaité donner plus de détails sur ses traversées. « Mais je ne perds pas espoir. Je n’ai pas fait tout ce chemin pour rien. Si c’était à refaire, je le referai. J’ai un rêve, devenir businessman à Londres. »
Si la plupart voyagent seuls, certaines exceptions effectuent leur traversée à plusieurs. C’est le cas de ces deux frères, Amid et Muhammed, tous les deux la vingtaine, et vêtus d’anoraks noir et blanc. Ils reviennent des cuves d’eau où ils ont fait leur toilette et expliquent leur histoire : « On ira en Angleterre à deux. C’est ça ou rien, on l’a promis à nos amis au Soudan. On a déjà tenté une fois de traverser depuis décembre. Mais on n’a pas réussi. Maintenant on attend, on essaie d’avoir assez d’argent pour retenter, mais à deux, ça coûte cher ». Plus loin dans l’entrepôt, proche d’un chauffage électrique qui sert aussi de lumière, un homme au bonnet au ras des yeux estime défaitiste le tarif élevé pour traverser. « Il faut payer environ 700 €. Je ne sais pas comment je vais faire. Donc je vais essayer de rejoindre Lille, c’est le mieux pour moi », s’est résigné ce jeune homme qui souhaite rester en France pour s’installer et trouver un travail pérenne.
Une nouvelle enquête de l’ONU
Ce lundi 27 janvier, un nouveau rapport du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés a été publié. Une enquête a été effectuée cet été auprès de 208 personnes réfugiées dans les camps calaisiens. Parmi les personnes interrogées, la plupart sont originaires du Soudan (40%) et expliquent avoir fui le pays pour des raisons de « persécutions politiques, ethniques et religieuses ». L’ONU préconise ainsi l’ouverture de voies légales pour le Royaume-Uni pour ces réfugiés, notamment celle du regroupement familial. Ce qui est également une demande du collectif des maires du littoral. L’enquête montre également la défaillance informationnelle sur les procédures de demandes d’asile. Enfin, l’accent est également porté sur la vulnérabilité de certains réfugiés, notamment les mineurs non accompagnés, de plus en plus nombreux dans les recensements (29 dans cette enquête).