Samedi 3 février, près de 300 personnes se sont réunies sur la place de la République à Lille, en mémoire de Fanta, nourrisson de quatre mois, décédée en novembre dernier. Un hommage qui a très vite été interrompu par la manifestation des policiers municipaux, venus parallèlement revendiquer une revalorisation salariale et de meilleures conditions de retraite.
L’inaction de la préfecture
Le rassemblement débuta par une prise de paroles de Fatima, la mère de Fanta. Épaulée par son avocate Caroline Fortunato, Fatima apparaît émue et en colère face à l’inaction des services de l’Etat qui aurait mené à la mort de son enfant. Effectivement, trois mois plus tôt, dans la nuit du 3 au 4 novembre 2023, « la veille de l’examen de la loi immigration par le Sénat », la jeune enfant est morte d’une intoxication au monoxyde de carbone.
Pour Caroline Fortunato, spécialiste en droit des étrangers et de la nationalité, ce drame est le résultat d’une « procédure trop longue, d’une dématérialisation qui crée des dégâts ». Ce n’est pas faute de s’être battue. Dès l’acquisition de son statut de réfugiée, 18 mois avant le drame, la jeune maman d’origine ivoirienne, avait fait une demande de carte de séjour. Laissée sans réponses, elle s’était rendue en août dernier, devant la préfecture de Lille, réclamant une avancée sur son dossier, en vain. « Le cas de Fatima et Fanta renvoie à la question de la préfecture qui ne répond à rien », explique Dominique Plancke, adhérent au collectif Solidarité Roms.
En situation d’irrégularité depuis plus d’un an, elle ne pouvait plus travailler et par conséquent, payer ses factures d’électricité. N’ayant d’autres choix pour réchauffer son appartement, Fatima décide alors avec son conjoint, d’allumer un feu dans un brasero avec du charbon. Une décision qui s’avéra fatale pour leur enfant.
Interruption dans l’élan de l’hommage
À peine les premiers mots de la prise de parole furent prononcés, qu’un moment de recueillement, traduit par une minute de silence, s’ensuivit. Bien que rongée par l’émotion, la mère de Fanta reprit dignement le micro pour conclure son discours. Celui-ci fut aussitôt interrompu par les policiers municipaux, venus manifester parallèlement pour réclamer une augmentation de leurs salaires et de meilleures conditions de retraite. Dépourvus de patience, ils ne prirent pas le temps d’attendre la fin de l’hommage avant d’acclamer vivement et fièrement, la Marseillaise. De quoi susciter de vives réactions chez les personnes présentes pour le rassemblement en hommage à Fanta. « Respectez leur temps de paroles, il y a de la place pour tous les combats », proclame l’une d’entre elles. En réponse, les policiers intensifièrent leur chant patriotique, tout en accentuant leurs coups de sifflets.
Une communauté unie dans le deuil
Malgré cet incident, une marche blanche, teintée de deuil et de solidarité, s’est tenue dans le centre ville de Lille. Pendant plus d’une heure, les participants vêtus de noir, une peluche en main, marchaient aux côtés de la famille, scandant des slogans en référence à la loi immigration. Cette marche funèbre a été ponctuée par la présence d’une fanfare, ajoutant une note solennelle à cet hommage.
De retour sur la place de la République, un vaste cercle s’est constitué, délimité par de grandes banderoles arborées par les associations, dans le but de faire « barrière aux fachos ». Stéphane Vonthron, représentant du bureau de la CGT dans le Nord, a d’ailleurs souligné l’engagement constant des différents mouvements sociaux. « Que ce soit les camarades du CSP ou les camarades d’Emmaüs, il y a ce principe là depuis 1996, depuis la création du CSP, d’être toujours solidaire des autres luttes, des autres problématiques. Notre place était évidemment ici, auprès de la famille de Fanta » affirme t‑il. L’union des participants, synonyme de solidarité et de détermination, illustre ainsi leur quête commune de justice sociale.