L’autoroute A69, projet de 53 kilomètres visant à relier Toulouse à Castres, est au cœur de débats intenses mêlant enjeux environnementaux, économiques et juridiques. Un exemple de gestion de conflit qui pourrait s’étendre à toute la France.
C’est une histoire sans fin ! Initiée pour désenclaver la région de Castres et Mazamet, l’A69 ambitionne de stimuler l’économie locale en réduisant le temps de trajet entre les deux villes. C’est en 1990 que l’Etat décide de construire une autoroute, censée pallier le manque de sécurité de la RN 126. Ce n’est qu’en 2006 que le projet sera réellement lancé, sous l’influence du groupe Pierre Fabre, acteur économique, fortement implanté dans la région. Il faudra attendre mars 2023 pour que le chantier débute. Le projet est confié à la société Atosca, qui pour l’instant, a réalisé 70% du budget total du chantier, soit un total de 300 millions d’euros sur un budget prévisionnel de 450 millions.
Au cœur des oppositions : l’impact environnemental
Selon les données de la préfecture du Tarn, les travaux affectent 420 hectares, dont 316 hectares de terres agricoles. Une situation qui agace fortement les Tarnais : « l’autoroute va détruire des terres agricoles et des espaces naturels, assécher les nappes phréatiques et les zones humides, et mettre en danger la biodiversité tout en aggravant la pollution de l’air, des sols et de l’eau », raconte Isaora, habitante dans le Tarn. Si Atosca promet une autoroute « à faible impact écologique », la réalité est toute autre. Les associations écologistes dénoncent une augmentation des émissions de gaz à effet de serre liée à la circulation prévue de 8000 véhicules légers par jour sur les routes.
Une autoroute illégale ?
Le coup de théâtre restera l’arrêt du chantier le 27 février dernier. Le tribunal administratif de Toulouse annule l’autorisation environnementale, estimant que « les bénéfices économiques, sociaux et de sécurité publique sont trop limités ». Alice Terrasse, avocate d’une partie des associations ayant déposé la requête pour annuler l’A69, s’est réjouie de la décision, estimant que « c’était la première fois qu’une autoroute est annulée pour des raisons environnementales, alors même que les travaux sont très avancés ». Une décision inédite qui a poussé l’Etat à agir. Le ministre des Transports a annoncé le 7 mars dernier que le gouvernement demande un sursis à exécution pour permettre au chantier de reprendre. Une décision en appel qui pourrait créer un précédent dans la gestion des infrastructures de transport en France à l’avenir. Un constat que partagent certains habitants, qui regrettent l’absence de prise en compte des habitants : « A quoi bon s’acharner. Maintenant que 70% de l’autoroute est terminée, c’est un gâchis de faire demi-tour. Le juge a prononcé la peine de mort du Sud du département », commente Emmanuel, résidant dans le Tarn.