Au moins 3 731 personnes ont été tuées entre janvier et juin 2024 en Haïti, selon les derniers chiffres de l’ONU. Dans le pays le plus pauvre des Amériques, les habitants doivent faire face à la crise politique et sanitaire, à la famine, et à la violence des gangs qui contrôlent désormais 80% de Port-au-Prince.
De nouvelles figures pour l’exécutif haïtien
En Haïti, les choses s’accélèrent. Le 30 avril dernier, Edgar Leblanc Fils est nommé à la tête du conseil présidentiel de transition. Un mois plus tard, c’est Garry Conille, ancien chef du gouvernement, qui vient renforcer l’exécutif haïtien en tant que Premier Ministre par intérim. Pour autant, les deux hommes n’ont pas été nommés par les citoyens haïtiens, les dernières élections organisées dans le pays remontant à 2016.
“Dieu bénisse Haïti“
Depuis l’assassinat, le 07 juillet 2021, de Jovenel Moïse, alors président de la République d’Haïti, les tensions se sont peu à peu accrues entre les forces de police, désorganisées et en sous-effectif et les gangs armés qui se sont multipliés. En mars 2024, deux de ces gangs ont mené une attaque coordonnée sur le pénitencier national et la prison de la Croix-des-Bouquets. En tout, ce sont 3 600 détenus qui se sont évadés. « Nous allons combattre Ariel Henry jusqu’à la dernière goutte de sang. S’il ne se retire pas, le pays va droit vers un génocide. » déclarait alors Jimmy Chérizier, chef de gang et visage macabre de la violence en Haïti.
Quelques jours plus tard, sa revendication première est entendue. Ariel Henry, le Premier ministre qui remplaçait Jovenel Moise à la tête d’Haïti depuis son décès, démissionne :« Dieu bénisse Haïti »déclare-t-il dans un discours retransmis depuis la République dominicaine, voisine d’Haïti.
Parallèlement, depuis quelques mois, c’est à New York que se décide l’avenir des Haïtiens. En janvier, le Conseil de sécurité de l’ONU a décidé le lancement d’une Mission Multinationale d’Appui à la Sécurité (MMAS) pour venir en aide aux forces de police sur place. Pour l’heure, 400 policiers kenyans et un contingent venant de la Jamaïque et de Bélize ont été déployés dans le pays. Aujourd’hui, le fond spécial visant à financer cette mission atteint les 85,3 millions de dollars, un montant jugé comme “totalement insuffisant“ par le secrétaire général de l’ONU António Guterres. Après le massacre d’au moins soixante-dix personnes perpétré par le gang Gran Grif jeudi dernier, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme a lui aussi appelé « à une augmentation de l’aide financière et de la logistique internationale à la MMAS en Haïti. »
Le 25 septembre, Washington avait annoncé débloquer une aide de 160 millions de dollars pour faire face à la crise sécuritaire et humanitaire, faisant grimper le montant total des aides américaines allouées à Haïti à 1,3 milliard de dollars depuis 2021.
La France face à son passé colonial
C’est en 1804 qu’Haïti proclame son indépendance, faisant d’elle la première république noire libre du monde. La France ne reconnaitra cependant ce statut qu’en 1825, après que la jeune République aura consenti à lui verser une dette de 150 millions de francs or.
À l’occasion de la 79e assemblée générale de l’ONU, Edgar Leblanc Fils, président du conseil présidentiel de transition haïtien, est revenu sur ce qu’il considère comme une « injustice historique qui, non seulement a retardé {le développement d’Haïti}, mais {qui} a aussi marqué son peuple d’un fardeau dont les répercussions se font encore sentir ». S’il est aujourd’hui complexe d’évaluer la valeur réelle de la dette payée à cette époque, le New York Times affirme, via une enquête publiée en 2022, que le paiement de cette rançon a fait perdre à Haïti entre 21 et 115 milliards d’euros sur le long terme. Chaque franc or payé à l’ancien colonisateur était un franc or en moins investi sur le territoire haïtien. La nouvelle nation a alors été obligée d’emprunter aux banques françaises et américaines, la plongeant dans « une spirale d’endettement qui a paralysé le pays pendant plus d’un siècle », selon le quotidien américain.
Interpellé par un militant sur cette question le 26 septembre lors de sa visite à Montréal, Emmanuel Macron n’a pas fait de commentaires. « La France demeure préoccupée par la situation en Haïti » déclarait la représentante permanente adjointe de la France auprès des Nations Unies le 25 janvier 2024.
Selon le dernier rapport de l’ONU paru le 30 septembre 2024, en Haïti, plus de la moitié de la population souffre de faim aiguë, et 2,5 millions de personnes vivent avec moins de 1,23 dollar par jour.