Le centre d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques auprès des usagers de drogues (caarud) est actif au niveau de lille-sud. Il intervient auprès de 800 personnes de toutes classes sociales, pour des missions de prévention et d’accompagnement. Interview de son directeur Benoît Tryoen.
À quels problèmes votre organisme est-il confronté ?
Aujourd’hui, le crack explose en France. Le problème de cette drogue est que ses effets disparaissent vite ; donc il faut constamment en consommer pour les ressentir. La différence avec l’héroïne, c’est que les gens qui consomment sont sur les lieux de deal. Les dealers ont alors trouvé une stratégie : ils font des doses à 5 euros. Ils vendent ces doses pour que les gens qui mendient puissent s’en procurer. De ce fait, dans le quartier, ça squatte et cela crée des problèmes avec les habitants. […] En terme de pourcentage, la cocaïne est testée à 90 % pur ici, même pour les doses à 5 euros. Ils vendent de la bonne qualité pour peu cher et cela attire des gens d’autres régions. Après, ces nouveaux consommateurs ne bougeront plus.
Vous intervenez dans le quartier d’Épi de Soil, comment agissez-vous ?
On a un camping-car, mais il n’est plus adapté et la semaine prochaine, on va recevoir un bus de 7,5 m de long avec deux espaces. Un pour les soins et un autre pour l’aspect socio-éducatif avec une imprimante et un accès Internet. On pourrait faire de la réduction des risques partout, comme la drogue touche toutes les classes sociales. La consommation est cependant plus visible dans les quartiers populaires parce qu’elle est dans la rue.
Ressentez-vous une hausse ou une baisse de la consommation ?
Il y en a toujours autant. Place nette a amené des arrestations, et après ? C’est l’effet plumeau qui décale la poussière : des gens sont arrêtés à tel endroit, mais ils vont aller ailleurs. […] En France, on se plante : il n’y a pas assez de préventions. L’histoire des places nettes, c’est de la démagogie qui sert à montrer aux habitants qu’il y a des choses qui bougent et qu’on fait quelque chose. Ce sont des opérations coups de poing toujours ponctuelles.
Vous ressentez la présence des trafiquants ?
Il a des menaces, des violences. C’est le système de la Mafia. Il y a de la peur, même nous avec les collègues, on est touché. Le dealer nous dit, tu mets le camion là et pas là. On hallucine, ils contrôlent la zone quand même. Il y a des conséquences sur place si les gens parlent.
Si on ne s’attaque pas à la cause, on ne réglera pas le problème
Le 25 septembre, le gouvernement lance les opérations place nette et place nette XXL. En date du 17 avril 2024, 3 tonnes de cannabis et 38 kg de cocaïne avaient été interceptés dans le cadre de ces campagnes nationales, l’équivalent de 5 millions d’euros. Dans un discours, l’ancien ministre de l’économie et des finances Bruno Le Maire chiffrait le trafic de stupéfiants entre 3,5 milliards et 6 milliards d’euros par an. Le 15 octobre, le nouveau ministre de l’intérieur Bruno Retailleau proposait, pour endiguer le trafic, une redite des solutions évoquées lors de la dernière commission d’enquête sur le sujet.