Les tensions linguistiques entre la Flandre et la Wallonie persistent depuis plusieurs générations. À Bruxelles, le français et le néerlandais se côtoient en paix.
Depuis la subdivision de la Belgique en 1962, Bruxelles est officiellement devenue bilingue. Historiquement néerlandophone, la capitale finit pourtant par choisir le français comme langue officielle au XIXᵉ siècle. La langue de Molière finira par devenir le symbole de l’élite politique et économique. Les nombreux immigrés en provenance de Flandre se trouvent alors obligés de parler français pour gravir les échelons de la société belge. Aujourd’hui, s’exprimer en français ou en néerlandais à Bruxelles est une normalité.

Une ville multilingue
En se baladant place de la Bourse, on entend toutes les langues et tous les accents. Omer, « septante-quatre ans », pipe à la bouche et café en main, est un pur produit bruxellois. Francophone de naissance, il maîtrise pourtant parfaitement le néerlandais. « Quand je rencontre des Flamands, je bois un verre avec eux et on parle néerlandais. » Une ouverture qu’il ne retrouve pas toujours en dehors de sa ville natale. Autrefois animateur de colonies de vacances en Wallonie, il a fait face à plusieurs situations délicates. « Une fois, sur la plage, nous faisions des châteaux de sable, et en entendant un groupe de Flamands, les enfants ont levé leurs pelles pour les menacer. » Lore, jeune psychologue dans un centre flamand près de Bruxelles, vit dans un quartier où le néerlandais est majoritairement parlé. Malgré plusieurs années dans la capitale, elle ne maîtrise pas complètement le français, ce qui, selon elle, crée une distance avec les francophones. « Je connecte bien plus facilement avec des néerlandophones. J’ai peur de mal parler français, alors je préfère converser en anglais, ce qui peut créer une distance. » Sur un banc, écouteurs dans les oreilles, Tom écoute Suds and Soda de dEUS, un groupe de rock d’Anvers. Originaire de Liège, le trentenaire a emménagé à Bruxelles pour reprendre des études en communication. Il comprend rapidement l’importance de parler français. « Dans les magasins, les bars, tout le monde parle français. Pour mes études aussi, on nous répète très souvent que c’est important d’être bilingue pour trouver du travail. » À quelques mètres de là, Jeanne, comédienne, arrondit ses fins de mois en travaillant dans la vente. « Je me suis mise à apprendre le néerlandais pour être plus accessible à tous les clients. En Wallonie, le néerlandais n’est pas obligatoire à l’école. » À l’inverse, son amie Viviana, qui a grandi à Bruxelles jusqu’à ses 8 ans, se souvient que l’apprentissage du néerlandais était obligatoire dans son école francophone. Elle constate également une certaine frustration chez les Flamands. « En Flandre, apprendre le français est obligatoire. Mon beau-père, qui est flamand, parle exprès néerlandais à Bruxelles, car il trouve injuste que les francophones ne fassent pas d’efforts pour apprendre sa langue. » Malgré de légères tensions anecdotiques, Bruxelles reste un havre de paix au milieu d’une Belgique encore divisée.