Depuis presqu’un siècle, des dessinateurs de bande dessinée du monde entier se rendent à Bruxelles. La BD moderne s’est affirmée avec l’œuvre d’Hergé. Elle continue d’évoluer grâce aux écoles artistiques bruxelloises et aux fresques imagées qui se diffusent à travers toute la ville.
Dans la rue de l’Étuve, dans le centre de Bruxelles, derrière une foule d’Espagnols, des escaliers dessinés grimpent sur une façade. Une trentaine de têtes se lèvent pour monter les marches, malgré la pluie. Le regard arrivé en haut de la fresque, les visages sourient devant le Capitaine Haddock, Tintin et Milou, qui dévalent les escaliers. Au pied de la fresque, la librairie Moules à gaufres consolide l’univers du jeune reporter, un Bruxellois mondialement connu.
La naissance bruxelloise de la BD
Il y a Tintin, créé par Hergé, mais aussi Gaston Lagaffe et Spirou inventés par Franquin, Lucky Luke par Morris, pour ne citer qu’eux. Ces iconiques personnages sont tous nés dans la capitale belge. Grâce à une concentration de dessinateurs depuis la moitié du XXe siècle, Bruxelles est devenue l’épicentre européen de la bande dessinée. Inspirés par les comics américains, les journaux de Tintin et Spirou naissent dans les années 40. En 1960, les albums se créent, les histoires se développent et se suivent, les lecteurs veulent connaître la suite ! Vingt ans plus tard, une marée bleue submerge le marché international de la BD : l’auteur belge Peyo crée ses Schtroumpfs, le monde entier est séduit. Mais à la fin du XXe siècle, un tsunami engendre un premier recul de la BD, avec les mangas japonais. Le neuvième art ne règne plus en maître. Mais si les dessins japonais continuent de se développer en Europe, l’héritage artistique de ces grands dessinateurs reste présent dans toute la ville de Bruxelles. Depuis plus de trente ans, la municipalité recouvre des façades avec des fresques de bandes dessinées. Les Schtroumpfs, Boule et Bill, Lucky Luke, à chaque coin de rue, ces fantasques personnages habitent encore et toujours Bruxelles. Ils attirent des touristes du monde entier.
La formule pour plaire de 7 à 77 ans
Depuis la première BD sortie en 1929 Tintin au pays des Soviets, les aventures du jeune reporter plaisent toujours autant. Comment expliquer ce succès intemporel mondial ? Philippe Capart, spécialiste bruxellois de la bande dessinée, l’explique par les valeurs sous-jacentes des histoires. « Avant même Tintin, Hergé était très apprécié en Belgique avec sa première bande dessinée, Le Boy- Scout. D’abord il s’inspire des comics américains, avec de la couleur et des scenarii, mais surtout du scoutisme qui est très présent en Belgique. Et ainsi les valeurs candides et les bonnes mœurs de la religion chrétienne. » La bienveillance et le courage du jeune Tintin assurent le succès d’Hergé. Ce dernier à la tête du mouvement de la BD moderne européenne inspire Franquin et Morris qui reprennent ces codes scénaristiques : des histoires amusantes, sans prise de risques politiques et sociétales et des gags qui font rire les petits comme les grands.
Quand les planches suivent l’évolution de la société
Au fil du parcours BD, on quitte les farces de Spirou et rencontre des univers plus poétiques. Les couleurs sont plus douces, les traits plus fins, les dessins plus féminins. Depuis 2018, les fresques bruxelloises sont imaginées par des dessinatrices, avec l’idée de mieux représenter la femme dans le monde de la BD. Les scenarii changent aussi, ils se politisent. « Quand il dessine, écrit, l’auteur raconte sa société, c’est son moyen d’expression » raconte Philippe Capart. Les dessinateurs décrivent les enjeux sociaux qui leur tiennent à cœur. À Bruxelles, plusieurs écoles artistiques offrent des formations en bande dessinée, qui continuent d’attirer des étudiants du monde entier. Ces écoles permettent à la capitale de conserver son statut d’éternel berceau du neuvième art.