Longtemps éclipsée par le numérique, la photographie argentique connaît depuis quelques années un retour spectaculaire. Modernisations d’usines Kodak, nouveaux boîtiers prévus d’ici 2026, projection annuelle des utilisateurs estimée à 3 % jusqu’en 2030 : le film continue de résonner. Au cœur de cette renaissance, des jeunes comme Maïa, 15 ans, étudiante en Belgique, fascinée par le charme imparfait et tactile de l’image argentique.
L’argentique n’a pas dit son dernier mot. Alors que Kodak a suspendu sa production en novembre 2024 afin de moderniser son usine de Rochester pour satisfaire la hausse de la demande et que de nouveaux appareils sont annoncés pour 2025, la croissance de la pratique est projetée à environ 3 % par an à l’horizon 2030. Un engouement confirmé par les jeunes générations, séduites par la lenteur, la surprise et le charme du geste manuel. Parmi elles, Maïa, 15 ans, habitante de Fives, traverse chaque semaine la frontière pour suivre des cours de photo argentique en Belgique.
Quand elle parle de son appareil argentique, elle a les yeux qui brillent. Son nouveau boîtier, tout en métal et en cliquetis mécaniques, ne lui pardonne aucune erreur, et c’est justement ce qu’elle aime. « Ce que j’adore, c’est la surprise, confie-t-elle. On ne sait jamais à quoi va ressembler la photo avant le développement. »
Maïa décrit son laboratoire comme un endroit presque magique. Baigné de lumière rouge, elle y apprend à manier les produits chimiques, à enrouler les films dans les spires et à attendre patiemment que l’image apparaisse sur le papier. « Développer une photo soi-même, c’est comme de la magie quoi ! ». On est dans le noir, on parle doucement, et puis d’un coup, l’image sort, comme un secret qu’on découvre », raconte-t-elle. Elle confie que cette ambiance, presque méditative, la pousse à revenir chaque semaine. C’est aussi là qu’elle a tissé une nouvelle complicité avec ses camarades : « On rigole, on compare nos essais, nos ratés… C’est très collectif. »
Pour Maia, cette pratique est plus qu’un loisir : c’est une porte d’entrée vers son rêve. Elle veut travailler dans le cinéma, apprendre à raconter avec des images. L’argentique, avec son exigence et ses limites, lui apprend la rigueur du cadre, l’attention à la lumière, la patience du regard. « Dans un monde où tout va vite, j’aime l’idée de devoir attendre. Ça rend les choses plus vraies. » Seul bémol : le coût. Un appareil, une pellicule, le développement — tout se paye cher. « C’est frustrant parfois, reconnaît-elle. Mais c’est aussi ce qui rend chaque photo précieuse. »
Dans le labo, les enseignants font vivre et transmettre l’argentique
À Croix, près de Lille, Baptiste est un photographe passionné qui enseigne justement cet art fragile dans son atelier-labo, un lieu où le temps semble s’être arrêté. L’odeur du révélateur flotte encore dans l’air, des pellicules sèchent au-dessus d’un évier en inox. Véritable passionné, Baptiste me raconte tout le processus de développement, s’assurant que je comprenne chaque information. « Ce qui est beau, c’est qu’il n’y a pas de public type, explique-t-il. Il y a des adolescents, des trentenaires curieux, des parents nostalgiques de leurs premiers clichés. L’argentique attire autant ceux qui veulent suivre la tendance que ceux qui reviennent à leurs racines. »

Baptiste enseigne depuis plus de dix ans, et il a vu passer toutes les vagues : la disparition des labos, l’explosion du numérique, puis, depuis peu, ce retour inattendu. « Depuis deux ou trois ans, je remarque une vraie hausse de la demande. C’est discret, mais constant. Les gens veulent comprendre, ressentir, reprendre la main. » Entre deux cours, il photographie aussi des mariages pour compléter ses revenus, toujours en argentique. « Les mariés adorent ce rendu plus doux, plus humain. Rien à voir avec le tout net du numérique. »
Dans quelques semaines, il ouvrira même son laboratoire au public pour que chacun puisse venir développer ses propres pellicules. Une initiative qui prouve que la pratique séduit à nouveau, au-delà du cercle des passionnés. Mais lui aussi constate la même limite : « Quand j’ai commencé, une pellicule coûtait trois à quatre fois moins cher. Aujourd’hui, c’est presque un luxe. » Une hausse des prix qui reflète à la fois l’engouement et la fragilité du secteur. Mais pour certains, la nostalgie, ça n’a pas de prix.