Philippe Vion-Dury est le rédacteur en chef de la revue Socialter. Il nous présente sa vision d’une société désirable dans un futur incertain. En contrepoint des initiatives individuelles, nous avons parlé de planification.
L’édition spéciale de Contrepoint sur les futurs désirables porte sur les initiatives individuelles. Ont-elles le pouvoir de changer la société ?
« On peut se dire que c’est une manière de rentrer dans une démarche de changement. Le simple fait d’adopter un régime végétarien a un énorme impact. Néanmoins, il y a des études, notamment du cabinet de conseil en stratégie Carbone 4, qui montrent que selon le scénario héroïque où chaque français pourrait réaliser tous les petits gestes qui sont à sa disposition, on baisse de 25 % nos émissions. Même si pour respecter l’accord de Paris, il faudrait les baisser de 80 %. »
En contrepoint des initiatives individuelles, il y a la planification écologique. Faut-il planifier l’écologie ?
« La planification est plus qu’essentielle. La transformation de l’appareil productif français nécessite des échelles de temps qui vont de un, cinq, ou dix ans voire plus. Mais ça pose la question de qui planifie. Un groupe de citoyens tirés au sort comme pour la Convention citoyenne pour le climat ? Un État planificateur comme on l’a déjà connu, qui est nécessaire dans la mesure où il faut aller vite ? »
Cette planification, peut-elle être désirable ?
« Oui, c’est possible. Par exemple, planifier la disparition de la voiture individuelle, c’est impératif. Il va falloir développer des outils de substitution là où c’est possible comme le vélo. Il faudrait donc refaire une chaîne de production de vélos. C’est un vivier d’emplois énorme qui a du sens pour la société. Il y a plein d’ouvriers qui travaillent dans des hauts-fourneaux et dans la métallurgie qui savent très bien que le monde part en vrille. Ils seraient contents qu’on fasse basculer l’appareil productif pour lequel ils travaillent. C’est désirable d’avoir un travail qui a du sens. »
Votre futur désirable, il serait comment ?
« Je suis socialiste dans le sens originel du terme. C’est-à-dire qu’une société idéale est une société sans lien de domination. Aucun être n’a le pouvoir de faire faire à un autre être quelque chose qu’il ne veut pas faire. Mon futur désirable est aussi une société qui est moins urbanisée, moins technologisée, plus délocalisée avec la fin des métropoles qui sont des aberrations écologiques. On doit avoir accès à tout ce qui n’est pas humain proche de chez-soit, un accès libre à un espace qui n’est pas pollué, des conditions de vie stables sans ouragans tous les quatre matins. »