Samedi 18 Novembre, ils étaient environ 170 000 manifestants, selon la préfecture de Madrid, réunies face au Palais de Cybèle. Retour sur une journée de mobilisation inédite.
Les drapeaux espagnols flottent dans la capitale, brandis en étendard. Ce samedi 18 novembre, ils sont des dizaines de milliers à descendre dans la rue pour dénoncer le projet de loi d’amnistie, pierre angulaire de la réélection du président du gouvernement, Pedro Sanchez (PSOE). Dans la balance, le soutien des séparatistes catalans au Parlement lui permet de briguer un nouveau mandat.
Près de 170 000 personnes ont répondu à l’appel à manifester, lancé par la droite. Et l’on peut entendre dès la matinée : « Sanchez, traître », « Sanchez en prison ! » ou « La Catalogne, c’est l’Espagne ». Une nuée de drapeaux européen et espagnols couvre les artères principales de la place Cybèle.
Une décision politique qui ne passe pas
Négociée dans le plus grand secret, l’annonce de ce projet de loi a choqué l’opinion publique espagnol. En juillet dernier, Pedro Sanchez avait promis de ne pas s’engager dans un tel processus.
Le trouble suscité par le putsch indépendantiste de 2017 est encore vif. Le peuple garde à l’esprit cette nuit de terreur, où le roi dû faire une allocution officielle pour réaffirmer la démocratie espagnole et engager des poursuites à l’encontre des dirigeants de la Junts.
Pourtant du point de vue du PSOE, il s’agit d’éviter de faire de Puigdemont et ses acolytes indépendantistes des martyrs avant que ne s’ouvre le nouveau procès de l’ex-gouverneur de Catalogne.
Des élections législatives complexes
Parvenu à être reconduit jeudi dans les fonctions qu’il occupe depuis 2018, Pedro Sanchez est arrivé à conserver sa place de président du gouvernement grâce à une alliance jugée irresponsable par la classe politique et médiatique espagnole.
Alors arrivé deuxième aux législatives de juillet, derrière le chef de file de la droite Alberto Nuñez Feijoo, les négociations entre le Parti Socialiste Ouvrier espagnol et la Junts – parti indépendantiste catalan – ont amené le parti de Sanchez à accepter une amnistie complète aux putschistes catalans.
Ce qui signifie que tous les délits commis entre 2012 et 2023 par le parti indépendantiste, notamment la violation de la constitution en 2017, par le vote d’un référendum jugé anticonstitutionnel par la Haute Cour d’Espagne, sont oubliés. Et surtout la possible annulation des poursuites judiciaires à l’encontre de Carles Puigdemont, ancien président de la région, ayant fui en Belgique.
La résurgence des divisions passées
Depuis l’annonce gouvernementale de cet accord d’amnistie, il y a deux semaines, nombreux sont les protestataires qui manifestent quotidiennement devant le siège du Parti socialiste à Madrid. Parmi les manifestants des groupes Franquistes qui inquiètent les autorités.
Les divisions politiques sont extrêmes, marquées par le passé du royaume. L’inquiétude des autorités du pays est de voir ressurgir des affrontements entre l’extrême droite et l’extrême gauche héritiers de l’histoire du pays.
L’appel lancé par le Parti Populaire Espagnol à manifester s’inscrit donc dans un mouvement de récupération. Avant tout politique mais surtout au niveau des images. Le parti conservateur arrivé en tête lors des élections législatives cherche à montrer sa légitimité à gouverner, au risque de faire une alliance avec le parti d’extrême droite, Vox.
De dangereuses alliances pour les partis de pouvoir, jouant avec l’avenir de la démocratie espagnole. Il reste pourtant une seule garantie du bon fonctionnement des institutions. Considérée comme centrale dans la transition démocratique du pays, la monarchie espagnole reste hors des clivages politiques. Confer la forte popularité de la princesse héritière Léonore qui a rassemblé le pays derrière elle, il y a quelque semaines, pour ses dix-huit ans.