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    Et si la France avait décidé de boycotter la Coupe du monde au Qatar ?

    Alors que la Coupe du monde au Qatar vient de débuter, on ne compte plus les articles qui accablent l’Émirat. La presse n’a pas manqué de relever le désastre éco­lo­gique et humain que repré­sente ce mondial. Malgré ce tollé média­tique et l’irritation de l’opinion publique, aucun pays n’a décidé d’en venir au boycott. Les Bleus se sont bien envolés le 16 novembre vers Doha pour disputer le titre de champion du monde. Et s’il en avait été autrement ? Entretien avec Paul Dietschy, historien spé­cia­liste du football.

    Et si l’Allemagne avait gagné la Première Guerre mondiale, et si Jean-​Marie Lepen avait été élu en 2002, et si Ponce Pilate avait gracié le Christ ? Ces uchronies, loin d’être fan­tai­sistes, peuvent être d’une aide précieuse pour com­prendre les enjeux du temps. À l’instar des écrivains les plus intré­pides qui se risquent à réin­ven­ter l’histoire, pourquoi ne pas essayer d’imaginer ce qui se serait passé si la France avait décidé de boycotter la Coupe du Monde au Qatar. « Pour la France, boycotter la Coupe du monde revien­drait à couper tout lien avec le Qatar », soutient Paul Dietschy. Derrière les cris­pa­tions ambiantes, se cache une solide amitié entre deux pays que tout sépare. Avoir refusé en 2010, l’attribution des jeux à l’Émirat aurait cer­tai­ne­ment contribué à fra­gi­li­ser cette entente. Le Qatar et la France entre­tiennent des liens éco­no­miques et diplo­ma­tiques étroits. Le jeune émirat est un des seuls alliés stra­té­giques de la France dans la région du Moyen-​Orient. Depuis la signature d’un accord de coopé­ra­tion et de défense militaire en 1994, Paris et Doha se doivent assis­tance mutuelle en cas d’agression. À partir de 2007, Nicolas Sarkozy met un point d’honneur à conso­li­der les relations franco-​qataries. Les deux états partagent des positions communes sur de nom­breuses questions poli­tiques. C’est le cas notamment concer­nant la crise en Libye, quand le Qatar s’est imposé en 2011 comme un soutien précieux pour la France. Entre les soupçons de cor­rup­tion, liens ambigus et contrats douteux, l’amitié entre nos deux pays est régu­liè­re­ment critiquée. Ce qui est certain, c’est qu’elle est défi­ni­ti­ve­ment complexe et impar­faite. Pourtant, le Qatar est un allié diplo­ma­tique dont on ne pourrait dif­fi­ci­le­ment se passer.

    Le Qatar, par­te­naire éco­no­mique de premier plan

    « Il n’y a pas de raison de boycotter la coupe du monde alors que Dassault vend des Rafales aux Qatar, que nos marques de luxes leur vendent des produits, que des archi­tectes français y tra­vaillent » soulève Paul Dietschy. Même si on remarque une certaine chute des échanges de biens depuis 2020 sous l’effet du Covid, le Qatar reste un par­te­naire éco­no­mique clé pour la France. Le perdre repré­sen­te­rait de sérieux impacts. La France est le deuxième pays européen qui attire le plus l’investissement venant du Qatar. Ce « micro-​état aux ambitions pla­né­taires » selon l’expression du diplomate Denis Bauchard, possède près de 25 milliards d’euros d’actifs dans l’économie française. De son côté, l’entrepreneuriat français est soli­de­ment implanté dans l’Émirat. On compte à ce jour 120 implan­ta­tions et 86 fran­chises qui opèrent dans de nombreux secteurs : de la défense et l’aéronautique à la finance en passant par les trans­ports. En parallèle, en raison de la hausse des prix, nos impor­ta­tions d’hydrocarbures en pro­ve­nance de l’Émirat gazier ont augmenté de 40 % en 2021. Briser nos accords éco­no­miques avec le Qatar pourrait aggraver l’actuelle crise éner­gé­tique. Enfin, s’il est bien un secteur où le Qatar a la main mise en France, c’est bien celui du football avec le PSG. D’autant plus depuis le rachat du club parisien en 2011. On ima­gi­ne­rait mal le jeune foot­bal­leur français Kylian Mbappé appeler à boycotter le pays qui le paye.

    Néanmoins, si la France se montrait plus sévère et intran­si­geante quant aux condi­tions de tenue de la com­pé­ti­tion, cela ren­ver­rait un message puissant. Bien que nos joueurs soient contraints intrin­sè­que­ment par leurs contrats et que la Fédération Française de Football ait visi­ble­ment les mains liées par des enjeux diplo­ma­tiques et éco­no­miques qui la dépassent, l’équipe de France de Football repré­sente les valeurs de notre pays à travers le monde. Elle doit porter un idéal, celui de la démo­cra­tie, de la défense de la paix et de la liberté.

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