Léa et Nathan ont créé Sock en stock, une association qui récupère les chaussettes seules pour répondre au besoin en sous-vêtement d’autres associations.
Dimanche, c’est jour de collecte pour Sock en Stock ! Dans cette ancienne salle de classe du sud de Lille reconvertie en centre de tri pour l’association, Léa et Nathan accueillent leurs bénévoles. Deux semaines après leur dernier rassemblement, les volontaires se retrouvent autour d’un chocolat chaud, thé, café ou soda.
Sock en stock a été fondée en 2017 par Léa et Nathan. Le jeune couple, fraîchement arrivé dans la capitale du Nord, cherchait à s’investir dans le milieu associatif. « C’est parti d’une intuition » confie Léa. Ils entendaient souvent des associations se plaindre de devoir acheter eux-mêmes des chaussettes, ce qui leur coûtait cher. L’autre constat a été que chacun a des chaussettes esseulées, en bon état, qui traînent au fond de son placard. « On a une ressource en masse, et on a un besoin », résume-t-elle.
« On vérifie systématiquement la qualité »
Les nouveaux Lillois ont donc décidé de créer une association qui récolterait ces chaussettes orphelines, et qui les confierait à d’autres associations demandeuses. « Ce qu’on n’est pas capable de faire à l’échelle individuelle, on peut le réaliser avec l’aide de la communauté », indique Nathan. Léa explique, elle, qu’on « ne donne pas un sous-vêtement sans intermédiaire comme nous. »
17h, c’est le top départ. Les chaussettes qui patientent depuis quelques jours sur le tancarville sont triées par un premier atelier. Blanches sur blanches, noires sur noires, celles qui deviendront les futures compagnonnes de route de personnes dans le besoin sont classées par ordre de taille. « On vérifie systématiquement la qualité. Le moindre trou, même un peu élimé, ou si la couleur est passée, on enlève », explique Nathan. Un second atelier s’occupe, lui, de nettoyer les nouvelles arrivantes. « On relave et désinfecte tout systématiquement », continue-t-il.
Les chaussettes de la dignité
« Que tu sois à la rue ou pas, tu dois changer de chaussette tous les jours. » Pour Nathan, c’est l’évidence même. Pourtant, donner ses chaussettes, ou ses sous-vêtements en général, ne vient pas à l’esprit immédiatement quand on pense à faire de l’humanitaire. « C’est un élément qui permet de gagner un peu de dignité, être au chaud dans des chaussettes confortables et de pouvoir se tenir debout », poursuit-il. « En plus être pied-nu dans ses chaussures c’est vecteur de plein de maladie. »
Avec ce souci de dignité, les fondateurs de Sock en stock ont voulu offrir aux bénéficiaires des chaussettes ayant l’apparence la plus neuve possible. « Dès le départ, on s’est fixé comme critère de ne distribuer que des paires identiques », affirme Nathan. Pour lui, même si certains bénéficiaires ne s’offusquent pas de recevoir des paires dissemblables, « on ne peut pas imposer des chaussettes dépareillées aux gens. »
Que faire des chaussettes qui ne trouvent pas l’âme sœur ?
Cet enjeu de dignité est donc contraignant. Il impose à Nathan et Léa de se séparer de nombre d’unités trop abîmées ou simplement trop originales pour trouver la jumelle. Mais que faire des chaussettes qui ne trouvent pas la paire ?
Pour Nathan, le choix est simple. Tout ce qui ne va pas aux pieds des bénéficiaires va aux relais. « Ils en font de l’isolant », explique-t-il.
L’#EconomieCirculaire en images et quelques mots avec un vieux vêtement :
- revendu ou donner
- un chiffon
ou de l’isolant… pour avoir chaud chez soi !Une bonne raison de déposer son linge dans un bac Le Relais…
En plus avec 10 bacs installés cela fait 1 emploi de créé 👍🏼 pic.twitter.com/N0aqnVuwYV— Florence Presson 🐞🌳🐝♻️🌍 (@Scx_Flo) February 22, 2019
Problème : les relais ne recyclent en isolant que 10% des vêtements qu’ils reçoivent, « le reste est détruit. » Sur les 16 tonnes quotidiennement traitées par chaque point relai en France, cela fait plus de 14 tonnes qui finissent à la poubelle. Elle pointe du doigt plus largement « l’hérésie » dans laquelle est plongée la production de vêtement. « Si vous voulez donner des vêtements, faites-le directement à des associations plutôt qu’à des relais », finit-elle.
Une possibilité s’est récemment ouverte à eux. Le couple a livré au Burkina Faso 15 kilos de tissu à une association locale qui fait en fait des serviettes hygiéniques. Une manière de lutter contre la précarité menstruelle.
Du cercle familial au bénévolat
Dans la salle de classe, la maman de Nathan sert le goûter de sa fille de deux ans et demi. Elle, qui a participé à la genèse de Sock en stock, n’est pas étonnée de l’engagement de son fils et de sa belle-fille. « C’est leur ADN », assure-t-elle. « On a commencé avec un noyau familial important », confie Léa. Puis, grâce à Facebook, des listes de mail, mais surtout au bon vieux bouche-à-oreille, des bénévoles se sont joints à l’aventure. « Ce soir, pour la 80ème, c’est surtout des fidèles », sourit la cofondatrice.
« J’aime bien me dire que je fais une bonne action »
« Par une copine », « par une autre association », ou « par un point relai ». Les chemins qui ont conduit les bénévoles à connaître Sock en stock sont tous différents, mais tous sont convaincus de la nécessité de leur engagement. Pour Marie qui vient depuis déjà trois ans, c’est un moment important. « Je viens une fois sur deux je pense », dit-elle. Sa fille l’accompagne à chaque fois. « Quand j’en parle avec mes copines, elles disent toutes : “woaw, t’es déjà dans une association“ » s’amuse-t-elle « mais moi j’aime bien me dire que je fais une bonne action ».
Concours de chaussette moche
Léa rappelle que si on donne, il faut s’assurer que la chaussette est en bon état, et qu’elle peut trouver une paire. Mais il arrive toujours qu’une originale se glisse dans les centaines d’unités que Sock en stock reçoit chaque mois. Qu’à cela ne tienne, Nathan et Léa ont su trouver une utilité à ces mochetés esseulées : un concours de la chaussette la plus moche ! Pour Léa, pas de débat : cette année, c’est la chaussette « Pringles » qui remporte le trophée haut-la-main.