La fast fashion inonde nos magasins, séduisant des millions de clients chaque année. Une consommation effrénée qui cache de nombreuses dérives : exploitation des travailleurs, destruction des emplois locaux et pollution à grande échelle.
Qu’est-ce que la fast fashion ?
« La fast fashion, c’est une mode jetable qui se renouvelle à vitesse éclair. Aujourd’hui, on porte en moyenne 2 à 3 fois certains produits, alors qu’il y a 10, 20, 30 ans, on les portait 20, 30, 40 fois », constate Lucas Thivolet Conde Salazar, directeur du Fashion Green Hub, dédié à la mode durable. Les racines de ce phénomène remontent aux années 1970, une époque où les industriels ont commencé à délocaliser leur production dans des pays à faible coût de main‑d’œuvre (Pakistan, Inde, Bangladesh). Ainsi, le coton cultivé au Texas était d’abord filé en Asie du Sud-Est, puis transformé en produits finis avant d’être expédié vers les rayons des magasins européens.
Un esclavagisme moderne
Ce mode de production a certes permis un accès à des vêtements à bas prix, mais a surtout engendré des conséquences dramatiques sur le plan socio-économique. Selon l’ONG Les Amis de la Terre, près de 300 000 emplois ont été détruits en France dans l’industrie textile depuis 1990. Le modèle de délocalisation a bouleversé le marché du travail, entraînant la fermeture de nombreuses usines locales. « Plus on produit mal, plus on est compétitif. C’est la prime au vice », déplore Lucas Thivolet Conde Salazar. Les conditions de travail dans les pays en développement sont effectivement alarmantes. Des millions de femmes, qui représentent 60 millions de travailleurs dans l’industrie, sont régulièrement soumises à des horaires interminables et à des salaires de misère. « Sur un t‑shirt vendu 29€ en magasin, les ouvrières de la chaîne textile touchent uniquement 0,18€, soit 0,6% du prix du produit », insiste National Geographic. Un esclavagisme moderne mis en lumière le 24 avril 2013, lors de l’effondrement du Rana Plaza au Bangladesh, qui a causé la mort de 1 138 travailleurs.
Le textile, deuxième plus grand pollueur mondial
Près de 20 % de la pollution mondiale des eaux provient de la production textile de la fast fashion. À quoi cela est-il dû ? Aux substances chimiques utilisées dans les différentes étapes de fabrication. Comme l’indique l’Organisation des Nations unies pour l’environnement, chaque année, 240 000 tonnes de micro-particules de plastiques sont rejetées dans les océans et les cours d’eau. Si l’industrie textile s’arrêtait aujourd’hui, il y aurait assez de stocks pour habiller l’humanité pendant huit ou neuf générations, estime l’ADEME. Conséquence visible : « certains fleuves deviennent verts en Inde et en Chine à cause des rejets chimiques des usines textiles », signale Lucas Thivolet Conde Salazar. La production de matières premières, qu’elles soient synthétiques ou végétales, engendre une pollution massive. Le directeur tient d’ailleurs à rappeler que « la production de coton utilise 25 % des pesticides mondiaux », s’appuyant sur des chiffres de l’ONG Greenpeace. Au total, l’industrie du textile est responsable de près de 10 % des émissions mondiales de CO2, soit plus que l’aviation et le transport maritime réunis.
Que dit la loi ?
« Si on laisse une économie ultra libérale où le marché s’ autorégule, il est impossible de faire évoluer les choses. Il faut contraindre ou inciter les entreprises à changer », préconise Lucas Thivolet Conde Salazar. Dernièrement, en janvier 2024, une proposition de loi (n° 2129) a été déposée, avec pour objectif : réduire l’impact environnemental de l’industrie textile. Elle s’appuie sur trois piliers :
1. L’information : obligation d’afficher l’impact environnemental des vêtements et d’inciter au réemploi et à la réparation.
2. La responsabilité : renforcement des obligations écologiques des producteurs pour limiter la pollution textile.
3. La publicité : interdiction des annonces pour la mode express, y compris sur les réseaux sociaux.