En septembre 2023, la Commission européenne a renouvelé l’autorisation du glyphosate en Europe jusqu’en 2033. Entre effets néfastes sur la santé, pollution et nouvelles techniques agricoles, quelle place pour cet herbicide systémique, non sélectif dans l’agriculture française ?
Mars 2015, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), sous l’autorité de l’OMS, classe le glyphosate comme « probablement cancérigène pour les humains ». C’est la naissance d’une question qui animera sans cesse le débat public : faut-il, oui ou non, interdire ce pesticide ? En 2019, 5 593 plaintes sont déposées dans toute la France, par des personnes ayant ingéré du glyphosate à leur insu. En 2023, la quasi-totalité d’entre elles avaient été classées sans suite.
L’étendard de l’agriculture intensive
Pour Pierre-Michel Périnaud, médecin et président de l’association Alerte des Médecins sur Les Pesticides (AMLP),
« le glyphosate est le symbole de l’agriculture dans ce qu’elle a de plus intensif ». Pour renouveler l’autorisation du pesticide en Europe jusqu’en 2033, la Commission européenne s’est basée sur un rapport de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA). Publié le 13 septembre 2023, ce rapport n’identifie pas de « domaine de préoccupation critique » sur la santé humaine, la santé animale et l’environnement quant à l’utilisation du glyphosate. Mais le docteur Périnaud est sceptique : « Pour moi, les agences de régulation (EFSA, ANSES) ne font pas le job, car elles ne regardent pas le problème sous le bon angle ». À force d’éplucher les rapports, il a identifié plusieurs biais méthodologiques dans leurs études sur le glyphosate, comme par exemple la prise en compte d’études fournies par les producteurs de pesticides eux-mêmes, ou la mise de côté, sans fondement scientifique, de certaines données.
Une fragile transition agricole
Christophe Bomme, 44 ans, est agriculteur en Bretagne. Dans son exploitation, il privilégie la polyculture, et fait pousser des légumes autant qu’il élève des animaux. « J’ai décidé d’arrêter le glyphosate en 2023. Aujourd’hui j’en utilise peut-être une fois tous les 4 ans ». Il a décidé de remplacer l’usage des pesticides par un labourage manuel ou mécanique de ses plantations. « C’est plus compliqué pour les gens qui ne font que de la culture [végétaux/fruits/légumes]. Labourer à la main est plus écologique mais aussi plus fatiguant et si on utilise des machines, on utilise beaucoup de carburant ». Le cas de Christophe n’est pas isolé, et nombreux sont les agriculteurs à vouloir sortir du glyphosate. Malgré tout, les pesticides restent parmi les produits les plus vendus au monde. Au cours des dix dernières années, 70 000 tonnes de glyphosate ont été vendues en France. Si depuis 2019, le pesticide est interdit à la vente pour les particuliers et les collectivités, le danger continue donc d’être réel pour la santé des agriculteurs et des français.