C’est une décision politique lourde de symbolisme qui a été décidée par le nouveau gouvernement de Tel-Aviv. Décision qui marque le positionnement du gouvernement le plus dur envers les Palestiniens depuis 1947.
Il s’agit d’une des premières décisions du nouveau ministre de la Sécurité nationale israélien (équivalent du ministre de l’Intérieur en France) Itamar Ben Gvir : depuis le 9 janvier, le drapeau palestinien est interdit dans les lieux publics. C’est à partir d’un tweet que le ministre a expliqué son acte : « Aujourd’hui, j’ai ordonné à la police israélienne de faire respecter l’interdiction de faire flotter dans la sphère publique tout drapeau de l’OLP [l’Organisation de libération de la Palestine] qui montre l’identification à une organisation terroriste et de mettre fin à toute incitation contre l’État d’Israël. Nous combattrons le terrorisme et l’encouragement au terrorisme de toutes nos forces ».
Un drapeau riche d’histoire
L’origine de ce drapeau est plus complexe. On sait que ses couleurs proviennent des couleurs symbolisant le Panarabisme, mouvement nationaliste arabe dont les représentants rêvaient d’une union des États et peuples arabes au sein d’une même organisation politique et d’un même État. Ces couleurs seraient inspirées d’un poème de Safiy-eddine Al-Hali, poète irakien du quatorzième siècle : « Blancs sont nos bienfaits, noires sont nos batailles, verts sont nos pâturages, rouges sont nos épées ». Il faut attendre la Révolte arabe de 1916 – 1918, rébellion menée par le Chérif de la Mecque et la population de la péninsule arabique contre les Ottomans, pour qu’un drapeau très similaire au drapeau palestinien soit créé. Ici, la bande blanche est en dessous de la bande verte, située au milieu du drapeau. En 1964, l’OLP adopte ce drapeau comme emblème mais, dès 1948, il avait déjà été sélectionné par le Haut Comité arabe (organe politique des Arabes de la Palestine sous mandat britannique), au beau milieu de la première guerre israélo-arabe et de la « Nakba » – l’exil forcé des Arabes de leur pays. Une autre année marquante pour comprendre ce drapeau est l’année 1988. Au sommet d’Alger du Conseil national palestinien, l’OLP déclare l’indépendance d’un nouvel État, la Palestine. Jusqu’alors, l’objectif de l’OLP était de détruire Israël pour le remplacer par la Palestine, désormais l’OLP souhaite la normalisation du dialogue avec Israël et la fondation d’un État coexistant avec l’État hébreu. En interdisant le drapeau palestinien sous couvert de lutte contre le terrorisme, Itamar Ben Gvir nie l’histoire d’un symbole riche de significations en estimant qu’il s’agirait du symbole du terrorisme : l’OLP, qui a adopté ce drapeau, a bel et bien rejeté la guérilla et la lutte contre l’existence d’Israël.
Derrière l’interdiction, un durcissement d’Israël
Dirigeant du parti Otzma Yehudit, représentant le judaïsme ultraorthodoxe dans sa frange la plus nationaliste, il s’était allié à Benyamin Netanyahou aux élections législatives du 1er novembre 2022. Son parti passe alors d’une représentation de un à six sièges, allié sur une liste regroupant deux autres partis d’extrême droite religieuse. C’est en s’alliant avec ce groupe politique que la figure du Likoud revient au pouvoir. La première fois que l’on entend parler de lui, c’est en 1995 lorsqu’il vole l’emblème de la Cadillac du Premier ministre Yitzhak Rabin, défenseur d’un processus de paix avec les Palestiniens. Filmé en train de brandir l’emblème à la télévision israélienne, il clame : « On est arrivés à sa voiture. On arrivera jusqu’à lui aussi ». Rabin est assassiné une semaine plus tard par un extrémiste de droite. Ben Gvir défend la création d’une théocratie, l’expulsion des Arabes vivant en Israël et l’annexion de la Cisjordanie. Nommé ministre par Netanyahou, la ligne du gouvernement s’en voit radicalement modifiée.
Ce n’est pas la première fois que Ben Gvir commet un acte lourd de symbolisme envers les Palestiniens. Le 3 janvier 2023, il s’était déjà rendu au Mont du Temple à Jérusalem est. Lieu le plus sacré du Judaïsme (le temple de Jérusalem s’y trouvait avant sa destruction en 70 de notre ère), son accès est pourtant interdit aux Juifs depuis 1967, de par un statu quo militaire depuis sa conquête par Moshe Dayan. L’excursion est vue comme une provocation par les Palestiniens : le mont du Temple est aussi le lieu d’emplacement de l’esplanade des Mosquées, là où se trouve la mosquée al-Aqsa, troisième lieu saint de l’Islam. En 2000, l’action similaire d’Ariel Sharon, leader de l’opposition de droite, avait provoqué la Deuxième Intifada.