2023 a recensé le plus de cas d’avortements en France depuis son instauration en 1974. Les méthodes ont évolué. Aujourd’hui, face à l’augmentation du nombre de cas, les protocoles s’adaptent aux besoins des patientes, dans un contexte où l’interruption volontaire de grossesse (IVG) reste un sujet délicat.
Le droit à l’IVG est-il une réalité dans notre département ? « Aujourd’hui à Lille, on peut se faire avorter du jour au lendemain », explique en chuchotant, une infirmière du CHU de Lille. Aujourd’hui, le Nord est le troisième département comptant le plus d’IVG, et ça ne date pas d’hier. Depuis 2016, le nombre d’avortements dans le département a augmenté de 13,4 % pour atteindre 9 059 en 2023. Ces chiffres suivent les courbes nationales (2023 : 243 623 IVG, soit +14,62 % depuis 2016). Sarah Durocher, présidente du Planning familial, justifie cette hausse par le « peu d’informations autour de la contraception. » Elle pointe aussi le manque d’éducation à la sexualité et la baisse du recours à la contraception chez les jeunes. Depuis le 2 mars 2022, en France, l’avortement peut être pratiqué jusqu’à seize semaines après le premier jour des dernières règles. 37,5 % sont réalisés via la méthode médicamenteuse et 20,4 % par méthode instrumentale en établissement hospitalier. « Au-delà de 14 semaines, une intervention avec anesthésie générale est obligatoire. Elle reste très conseillée entre 12 et 14 semaines. Jusqu’à huit semaines, les patientes ont la possibilité de choisir le médicament », raconte l’infirmière lilloise. Elle poursuit : « Au CHU, on est très attentif à la confidentialité des dossiers sur l’IVG. Ça reste assez tabou. Donc tous les dossiers sont au format papier, jamais par téléphone, jamais par internet. »
Une prise en charge en cinq jours maximum
Les IVG sont également pratiquées en cabinet libéral. Ils représentent 36,5 % des cas en France. Ici aussi la prise en charge des patientes est rapide. « Une loi nous oblige à prendre en charge les patientes en cinq jour max », témoigne une sage-femme libérale à Lambersart. « J’ai tous les jours des créneaux libres pour les IVG », décrit-elle et lance : « Il ne faut pas regarder sur les réseaux sociaux et les sites internet, il y a trop souvent de faux témoignages. » En France, médecins, sages-femmes et infirmiers sont également tenus par la clause de conscience, notamment pour l’IVG. Cela leur permet de refuser la réalisation d’un acte médical autorisé légalement, mais qui est contraire à leurs convictions. Ainsi, ils peuvent refuser la prise en charge d’un patient sans devoir en fournir le motif.
L’IVG en France en cinq dates
Le 7 janvier 2025, la France fêtait le 50e anniversaire de la loi Veil dépénalisant l’interruption volontaire de grossesse. De la légalisation en 1975 à l’inscription dans la Constitution en 2024, retour sur un demi-siècle de luttes pour les droits des femmes.
26 novembre 1974 : « Aucune femme ne recourt de gaîté de cœur à l’avortement », martelait fermement Simone Veil, ministre de la Santé, devant une Assemblée nationale composée à 98 % d’hommes. Pour la première fois en France, un gouvernement portait une loi sur la légalisation de l’avortement. 25 heures de débat ont permis à l’opposition d’étaler leurs arguments : respect de la vie, valeurs familiales, risque d’avortement de confort. Mais le résultat le 20 décembre sera sans appel : 284 voix pour, 189 contre.
7 janvier 1975 : la loi Veil est définitivement adoptée. Elle légalise l’IVG en France sous certaines conditions (délai de 10 semaines, accord parental pour les mineures). Cependant, la pression des conservateurs a fait effet, la loi n’est votée qu’à titre expérimental pour cinq ans.
31 décembre 1982 : l’IVG est remboursée par la Sécurité sociale. La loi est portée par Yvette Roudy, ministre des Droits des femmes. Le gouvernement socialiste défend cette mesure comme une garantie d’égalité d’accès à ce droit. La droite de Jacques Chirac et Raymond Barre s’oppose largement à la réforme.
2 mars 2022 : adoption de la loi portant le délai légal de l’IVG à 14 semaines et permettant aux sages-femmes de pratiquer des IVG chirurgicales. Le délai légal avait déjà été allongé à 12 semaines après la loi 2001. Celle-ci avait également supprimée l’accord parental pour les mineures.
4 mars 2024 : la France devenait le premier pays au monde à inscrire dans sa Constitution la liberté de recourir à l’IVG. Après sa remise en cause aux États-Unis en 2022, l’objectif était de rendre cette liberté inattaquable. Cependant là aussi la question a fait débat. Certains juristes et politiques de droite et du centre ont fait valoir que le Conseil constitutionnel avait déjà reconnu l’IVG comme un principe fondamental. Ils estimaient que cette protection suffisait et que l’inscription dans la Constitution relevait davantage du symbole que d’une nécessité juridique.