Dans un contexte de déficit public chronique, le gouvernement Barnier a pointé du doigt les collectivités locales sur les dérives du budget. Pourtant, les élus locaux peinent à financer les dépenses de leur commune, notamment depuis la suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales. Cet impôt impopulaire pourrait cependant faire son retour.
Dans le cadre de la présentation de la loi de finances, Bercy a exigé des collectivités locales « leur contribution au redressement des finances publiques », soit 5 milliards d’économie. L’Association des Maires de France et des Présidents d’Intercommunalité a réagi au quart de tour : « les ministres de l’Économie et du Budget se sont livrés à une mise en cause infondée des comptes des collectivités locales pour masquer la situation désastreuse des comptes de l’État qu’ils laissent derrière eux ». Un bras de fer s’entame entre les collectivités locales et l’exécutif. En amorce du 106e Congrès de l’Association des Maires, du 19 au 21 novembre, Catherine Vautrin, ministre du Partenariat avec les territoires et de la Décentralisation, tente de refroidir la température : « Les élus locaux ne sont pas responsables de la situation budgétaire du pays ». Pour certains élus locaux que nous avons pu interroger, notamment Jean-Marie Montagne, adjoint au logement de la ville de Wattignies : « cette réforme ne plaira pas, mais nous devons envisager une nouvelle contribution pour les caisses des collectivités ».
Une taxe d’habitation qui ne dit pas son nom
« Il n’y aura pas de retour à la taxe d’habitation » clame Catherine Vautrin. « Participation au fait de vivre en commune », « contribution territoriale universelle », c’est vrai que d’autres noms lui sont préférés, en évitant à tout prix le mot taxe ou impôt. Cependant cette novlangue ne change pas la réalité : c’est le retour de la taxe d’habitation sur les résidences principales qui est en discussion au gouvernement, en partenariat avec les élus locaux. L’enjeu pour l’exécutif est de ne pas entacher la suppression progressive de la taxe d’habitation sur les résidences principales, annoncée en 2017 par Emmanuel Macron, et finalisée depuis 2023.
Une estimation chiffrée de cette nouvelle taxe ?
L’ancienne taxe d’habitation sur les résidences principales, et celle actuelle sur les résidences secondaires, sont calculées de la même façon. Le loyer moyen du bien, estimé par les services fiscaux lors de l’acquisition du propriétaire, sert de base brute. Y sont soustraits des abattements sur les enfants ou ascendants à charge. On y ajoute le revenu fiscal de référence, l’ensemble des cotisations votées par la collectivité et la modulation des taux par le conseil municipal. « C’est ce dernier facteur qui fait autant fluctuer le montant de la taxe d’une commune à une autre » nous explique la DRFIP de Lille (la Direction Régionale des Finances Publiques). Or, à Lille, ce taux est le plus élevé de France, 45,65 % (la moyenne sur les 32 villes les plus grandes de France étant de 31,81 %). Sur les résidences secondaires – en comptant la majoration – la moyenne de taxe d’habitation est de 1 000 euros environ, soit une moyenne de 1 130 euros de taxe d’habitation pour les Lillois. Si ce chiffre serait à minorer pour les résidences principales, le retour de cette taxe – même sous un autre nom – risquerait d’être mal accueilli lorsqu’on l’ajoute à la taxe foncière. Notamment puisqu’environ 80% des ménages français ont été habitués à l’absence de cette taxe depuis 2018.
Certains contribuables sans résidence secondaire ont reçu une taxe d’habitation 2024. « Une erreur de mise à jour des données sur le site Impots.gouv.fr, ou un défaut du logiciel vis-à-vis des logements étudiants de la famille pourraient en être à l’origine » explique la DRFIP de Lille. « Les Français concernés s’étant acquittés d’une taxe d’habitation qu’ils ne devaient pas régler peuvent effectuer une réclamation sur le même site ».