La vie étudiante continue d’être marquée par une précarité croissante. L’alimentation est l’un des premiers postes de dépense. De plus en plus d’étudiants dépendent d’aides alimentaires ou de dispositifs solidaires. Si les paniers alimentaires apparaissent comme une réponse à cette problématique, un autre concept encore méconnu de nombreux étudiants, tente lui aussi d’y remédier : celui des repas suspendus.
Venue de Martinique, Ludmia a posé ses valises à Lille pour poursuivre une licence de lettres à l’Université de Lille. Mais loin de l’image idéalisée d’une vie étudiante libre et insouciante, la jeune femme de 19 ans se heurte à une précarité bien réelle. « J’entendais parler de précarité, mais jamais je n’aurais pensé faire partie de celles et ceux qui ont du mal à remplir leur frigo ou qui doivent se contenter d’un seul repas pour tenir une journée de cours souvent bien chargée », confie-t-elle. Alors, pour pallier le manque de repas, l’étudiante s’est tournée vers un concept dont la popularité reste encore timide parmi les jeunes : les repas suspendus. « J’ai découvert le concept lors d’une sortie entre amies, et ça m’a tout de suite parlé. Mais au début, j’étais très gênée de demander un repas », confie-t-elle. « Aujourd’hui, quand j’en ressens le besoin, je me tourne vers les repas suspendus. Ça m’aide énormément. »
Les repas suspendus : héritiers d’un café napolitain offert
Né à Naples durant la Seconde Guerre mondiale, le concept des repas suspendus trouve son origine dans les cafés suspendus. Une tradition solidaire qui permettait aux plus démunis de savourer un café offert par un client inconnu. Aujourd’hui, cette pratique s’est exportée jusque dans les restaurants lillois. L’objectif est simple : chaque consommateur peut payer entièrement son repas, tout en avançant le coût d’un second repas destiné aux personnes dans le besoin afin qu’ils puissent le manger gratuitement.
À Lille, des restaurants engagés pour les plus précaires
Un concept adopté par le restaurant roubaisien Coopérative Baraka, qui propose des repas 100% bio, à 15,50 euros pour un repas seul. Derrière son comptoir en bois, Samson Béal-Brunet, employé encaisse les commandes. Certains choisissent de régler un repas pour eux et un autre pour une personne qu’ils ne connaîtront jamais. Basée sur la confiance, les repas suspendus sont offerts aux nécessiteux par le biais des associations comme le Secours populaire ou les Petits Frères des Pauvres. « La précarité, c’est un sujet qui revient souvent et il ne faut pas que les étudiants se restreignent. Personne ne va regarder votre coefficient familial, il faut juste nous dire ‘‘j’en ai besoin’’ pour pouvoir en bénéficier. Il faut qu’ils sachent que ce dispositif leur est ouvert », nous explique Samson. Les donateurs bénéficient d’une déduction fiscale de 75% sur présentation d’une attestation de don. Depuis le début de l’année l’association a distribué 120 repas suspendus aux personnes dans le besoin. Un peu plus loin, à Wazemmes, le bistrot coopératif Les Sarrazins partage cette initiative et distribue le surplus des repas du jour en fonction des dons des clients. Le principe : 1 euro ajouté, c’est un café offert et le repas passe à 6 euros au lieu de 11. Mais Alex, salariée du bistrot regrette le faible public estudiantin : « On a très peu d’étudiants, c’est dommage ! »
Selon le baromètre sur la situation des étudiants en France, présenté par l’association COP1 et l’IFOP (Institut français d’opinion publique) 74 % des étudiants privilégient les repas à domicile et 70 % adoptent des pratiques anti-gaspillage.