Les manifestations contre la politique zéro-Covid continuent à prendre de l’ampleur en Chine. De l’autre côté de la mer, les Taïwanais observent avec curiosité ce rare soulèvement. Largement anti-Pékin, mais très respectueux des règles sanitaires, imposées lors de la pandémie, les habitants de l’île réagissent.
Taïwan garde toujours un œil attentif sur la Chine. La population de l’île, largement opposée au régime de Pékin, s’inquiète de sa potentielle adhésion forcée à la République populaire et des nouvelles lois liberticides, qui en découleraient. C’est pourquoi les manifestations actuelles en Chine, contre sa stricte politique anti-Covid, sont un sujet d’importance pour les Taïwanais.
Florent Tzeng, 28 ans, est un Taïwanais, basé en France depuis 4 ans. Il suit de près l’évolution des événements depuis la France. Il nous raconte les réactions de ses compatriotes : « La plupart des Taïwanais sont, d’une part, étonnés de voir les Chinois sortir dans les rues, d’autre part, contents que ce mouvement se propage. Globalement, le peuple soutient les manifestants chinois, et on en entend pas mal parler dans la presse. À l’exception de certains médias, qui sont extrêmement pro-Chine, chez qui le sujet est très peu abordé. »
Ce soutien envers les manifestants chinois s’étend jusqu’aux universités taïwanaises. Dans les établissements éducatifs, on peut trouver des affiches qui rappellent la tragédie de la ville d’Urumqi, dans laquelle 10 personnes ont péri dans un feu, en partie, à cause des restrictions anti-Covid.
Selon Florent, la contestation du Parti communiste chinois (PCC) est considérée comme un pas important vers les changements libéraux en Chine continentale par les Taïwanais. « Il faut noter toutefois qu’à Taïwan, les gens sont pas mal concentrés sur les propos anti-PCC en Chine. C’est pour cela que pour certains, cela annonce le début de la fin du Parti communiste. Je reste personnellement sceptique de ce que ce mouvement pourrait accomplir, tout en espérant que cela atteindrait des résultats pertinents. »
La question des mesures anti-Covid
À Taïwan, les restrictions sanitaires sont scrupuleusement respectées par la population. Même si la politique zéro-covid à la chinoise ne l’a pas atteinte, l’île est tout de même restée l’endroit où les strictes mesures antiépidémiques s’appliquaient pendant longtemps. Les Taïwanais étaient les premiers à réagir à la menace de la pandémie, même à l’époque où la RPC niait les dangers du virus.
« Quand il se passe quelque chose en Chine, nous sommes à l’affût, » sourit Florent, « On ne fait pas confiance à la Chine, donc on a tout de suite mis plusieurs mesures en place, pour éviter la propagation de la Covid-19 à Taïwan. »
Les règles en vigueur changeaient au fur et à mesure, souvent en fonction des fluctuations dans le nombre des contaminations. Mais la quarantaine à l’arrivée et la fermeture des frontières sont restées en place jusqu’en octobre de cette année. Par ailleurs, ce n’est qu’à partir du 1er décembre 2022 que l’obligation du masque ne s’applique plus à l’extérieur.
Cette politique, qui pourrait être vue comme totalitaire par un Occidental, est beaucoup plus souple qu’en Chine, où l’on mettait en confinement local des millions de personnes, pour quelques centaines de cas détectés. Ainsi, les Taïwanais sont loin de la considérer comme nocive. « S’il y a un cas positif dans la ville, on n’a pas besoin de mettre toute la commune en quarantaine, » réagit un étudiant taïwanais, « Ici, la politique anti-covid consiste à rendre les mesures en place compatibles avec la vie quotidienne. En Chine, elle est trop agressive. »
Emma Leroux travaille à Taïwan depuis septembre dernier. Elle constate que même la fin de l’obligation du masque n’empêche pas la plupart des Taïwanais de le porter à l’extérieur : « Je n’ai dû voir que deux personnes sans masque aujourd’hui. Depuis mon arrivée, je ne crois pas que j’ai vu plus de dix personnes sans masque au total. Ici, les gens sont très respectueux des mesures mises en place, c’est plutôt dans la mentalité occidentale de dire que c’est liberticide. »
La rigoureuse politique anti-covid a permis à Taïwan d’être l’un des endroits avec le moins de cas recensés, ce qui a été salué par la population. Florent élabore : « certes, il y a eu des régressions économiques pendant les moments où le virus circulait le plus, et les gens se plaignent toujours que le gouvernement ne fasse pas assez pour redresser l’économie, mais il n’y a pas eu de manifestations contre les politiques anti-Covid. La population est globalement contente de la gestion gouvernementale de la pandémie. »