En ce 10e jour de manifestation du 28 mars 2023, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a déployé un dispositif exceptionnel de force de l’ordre. À Lille, c’était 12.500 personnes mobilisées selon la préfecture, contre 75.000 selon les syndicats.
Une manifestation qui dès le départ était placée sous le signe de la surveillance policière massive. Le cortège démarre et scande déjà des cris contre la police et les violences policières qui s’accentuent au fur et à mesure des mouvements. Des deux côtés, la tension est palpable. Du côté des manifestants, un ras-le-bol collectif concernant la réforme des retraites passée en force avec le 49.3 et malgré la motion de censure déposée qui a bien failli voir le jour, à seulement neuf voix près. Dans ce cortège où la colère rouge domine, rappelant ainsi la colère des manifestants, on y trouve un mélange intergénérationnel. De l’autre côté, les forces de l’ordres où une fatigue générale et peu de patience se font remarquer au bout de ce dixième jour du mouvement depuis janvier. Ce climat tendu entre manifestants armés de pancartes débordantes de créativité contre les brigades policières toujours plus armés et qui sont de plus en plus nombreux, face à une foule qui diminue de manifestation en manifestation.
Une fin de manifestation sous les nuages de lacrymogène
Le climat tendu n’a pas cessé durant toute la manifestation. Dès l’apparition de la police aux alentours du cortège, des chants et des cris visant à critiquer la police se font entendre. D’autant plus après un week-end sous le signe de la violence à Sainte-Soline et des polémiques liées aux BRAV‑M, ces policiers à moto qui ne sont pour la plupart pas formés au métier et qui ne savent pas garder leur sang-froid. Mais ce 28 mars, à Lille, la violence entre manifestants et forces armées, était inévitable. La décision du ministre de l’Intérieur Gerald Darmanin de déployer davantage de forces armés, alors même que le nombre de participants au mouvement est en baisse, n’a pas aidé à calmer la situation. Alors tout au long du mouvement se joue un jeu entre le cortège qui souhaite déstabiliser les forces armés avec notamment de nombreuses pancartes décriant les violences policières et le travail du ministre de l’Intérieur. Contre les policiers qui doivent rester stoïques face à ces injures. Mais arrivé à la place de la République et avant cela, rue Nationale, les violences commencent pour laisser place à un nuage de gaz lacrymogène. La totalité du cortège est visée sans distinction. Tout le monde est mis dans le même panier. Pour autant, le cortège ne se laisse pas abattre et continue à avancer, masqué, les yeux qui brûlent et la gorge qui gratte. Le point d’orgue de la manifestation s’est jouée à la place Sebastopol.
Après s’être fait gazé à de nombreuses reprises et après avoir pris quelques coups de matraque, quelques manifestants décident de former une barricade afin de bloquer la police et de s’affronter. Une première vague de fumée est infligée aux manifestants, pour la plupart cagoulés, aussi surnommés les « black bloc ». Mais ils ne décolèrent pas et se lancent dans une lutte contre les forces armées à coup de brique, de fumigène et de n’importe quel débris trouvé au sol. Contre matraques, bombes lacrymogènes, tasers et tenue de protection inégalable. Au total, selon la préfecture, vingt-cinq personnes ont été interpellées, soit le chiffre le plus élevé à Lille depuis le début de la manifestation.