Il y a tout juste cinquante ans, le 9 octobre 1974, disparaissait l’homme qui sauva plus d’un millier de Juifs au cours de la Shoah. Figure controversée, il y eut pourtant une période où Oskar Schindler adhérait au parti nazi. Mais pris de remords, il sauva 1 200 Juifs de la déportation. Un acte pour lequel, en hommage, Thomas Keneally écrivit La Liste de Schindler.
1941. Plus de 15 000 Juifs sont enfermés dans le tout nouveau ghetto de Cracovie, en Pologne. Coupés du monde, ils sont surveillés jour et nuit par la police allemande, polonaise et juive. Impossible pour eux de quitter la zone, sauf si un laissez-passer les autorise à rejoindre leur lieu de travail, situé en extérieur.
Au sein-même du ghetto, plusieurs usines et ateliers naissent sous l’ordre nazi. Non loin de là et du camp de concentration de Plaszow, la Deutsche Emailwarenfabrik produit des batteries de cuisine en émail, mais aussi des munitions pour l’armée allemande. Elle est dirigée par Oskar Schindler, qui profite de ses bonnes relations pour y employer de la main d’oeuvre juive – moins chère que la main d’oeuvre polonaise – en provenance directe du camp de concentration.
Au service de l’Allemagne nazie
Né en 1908 en Moravie (l’actuelle République tchèque), Oskar Schindler est un homme d’affaires qui évolue dans le monde industriel. Endetté, il rejoint le parti nazi au courant des années 30. Schindler souhaite mettre toutes les chances de son côté.
Devenu espion pour l’Abwehr, le service de renseignement militaire de l’Allemagne nazie, il contribue ainsi aux projets d’invasion de la Tchécoslovaquie et de la Pologne. Des années plus tard, à la tête de la Deutsche Emailwarenfabrik, Oskar Schindler fait fortune et atteint ainsi l’un de ses rêves.
Prise de conscience
En 1942, la taille du ghetto de Cracovie se réduit en même temps que sa population augmente. Les Juifs qui y vivent sont régulièrement triés puis déportés vers le camp de concentration de Plaszow ou le camp d’extermination de Belzec, situé – lui aussi – en Pologne.
Témoin de la dégradation des conditions de vie des Juifs, Oskar Schindler décide d’agir. Il use de son influence et de sa bonne situation financière pour protéger ceux qu’il emploie. En plus d’empêcher la déportation des travailleurs, il recrute un maximum de Juifs et enregistre son usine comme faisant partie du camp de concentration de Plaszow. De fait, les employés de la Deutsche Emailwarenfabrik vivent à temps plein dans l’usine et échappent temporairement à la persécution nazie. Mais il va rapidement devoir changer de stratégie.
La liste de Schindler
Fin 1944, Schindler apprend que son personnel va être envoyé au camp d’extermination d’Auschwitz-Birkenau. À sa demande, pour éviter l’horreur, l’usine est délocalisée au camp de travail de Brünnlitz, en actuelle République tchèque. Parce qu’elle participe à l’effort de guerre et parce que l’homme d’affaires a assez d’argent pour soudoyer les fonctionnaires nazis, l’ensemble des employés y est transféré. Ceci grâce à une liste de 1 200 noms, dans laquelle Schindler déclare les prisonniers Juifs comme indispensables au bon fonctionnement de l’entreprise.
Officiellement, bien qu’il s’agisse d’un camp annexe du camp de concentration de Gross-Rosen et d’une usine à armement, Brünnlitz est un refuge. Les SS ont interdiction de malmener les employés, et Schindler pousse l’usine à la faillite pour ne pas freiner l’avancée des Alliés.
Vint la libération du camp le 9 mai 1945, par l’Armée rouge. Ruiné, Oskar Schindler tente de refaire sa vie en Allemagne, puis émigre en Argentine. Séparé de sa femme, il revient en Allemagne et y meurt de maladie le 9 octobre 1974, à 66 ans.
Ce n’est que dix-neuf ans plus tard, en 1993, qu’il est reconnu comme « Juste parmi les nations » par le mémorial de Yad Vashem.