Dix-neuf personnes, principalement des membres d’une même famille et de leurs proches, sont jugées depuis le 14 octobre devant le tribunal correctionnel de Châteauroux, pour maltraitance physique et psychologique sur des enfants placés.
Les faits d’accusation
Près d’une vingtaine d’individus sont accusés d’avoir accueilli, sans autorisation officielle, des dizaines d’enfants placés par l’Aide sociale à l’enfance (ASE) du Nord entre 2010 et 2017, engrangeant plus de 630 000 euros sur sept ans. Des parents, des grands-parents et des associés, tous impliqués dans une association d’accueil familial dénommée « Enfance et Bien-Être » ont perçu des fonds publics sans disposer d’agrément. Au-delà de cette infraction, ils font face à de graves accusations de maltraitance physique et psychologique, de travail forcé, d’humiliations et d’actes racistes à l’encontre de ces jeunes.
Effectivement, les enfants « étaient soumis à des règles d’esclavagisme, étaient gardés sous le règne de la domination et de la peur, des enfants à qui on faisait faire des travaux forcés », rapporte Myriam Guedj-Benayoun, l’une des avocates de l’association Innocence en danger. Celle-ci s’occupe de défendre dix parties civiles. Elle ajoute que les jeunes victimes ont dû réaliser des tâches très physiques, allant d’un coup de peinture à « creuser des piscines ou abattre des murs ». Mais l’enfer ne s’arrête pas là. Poussés à bout de force, « certains d’entre eux dormaient dans des caves à vin pourries, sans eau, ni électricité, ni chauffage », précise cette même avocate.
Par ailleurs, bien qu’elles n’aient « pas été retenues » par la justice, les violences sexuelles faisaient également partie du quotidien des enfants. Les jeunes filles, hébergées chez Bruno C, étaient notamment contraintes au quotidien de ne pas porter de sous-vêtements.
Un manquement de l’État
Sur les 18 prévenus (le dernier étant décédé peu de temps avant le procès), « deux étaient déjà condamnés pour agression et viol sur mineur avec une interdiction à vie de travailler avec des mineurs ». Parmi eux, figure Antoine M, accusé aujourd’hui de « faits de maltraitance » à l’encontre de mineurs. Il exerçait en tant que famille d’accueil avec sa femme Colette.M, malgré sa condamnation pour agression sexuelle sur mineure en 2007.
Ce procès pointe ainsi du doigt les carences dans le suivi des mineurs placés sous la protection de l’État. Si les accusés comparaissent actuellement pour leurs actes, les victimes et leurs avocats envisagent de poursuivre les autorités locales pour leur négligence. Effectivement, Myriam Guedj-Benayoun reproche au département du Nord de ne pas avoir vérifié « si ces personnes étaient habilitées » à accueillir ces enfants.
Pour elle, « on est dans une situation inimaginable et inentendable ». Les jeunes étaient « déjà en difficulté, placés par un organisme d’Etat sous couvert du conseil départemental, qui est censé agréer ces familles, donc vérifier ne serait-ce que les conditions d’hébergement ». Elle accuse également le département de ne « pas avoir porté assistance à ces enfants après. Ces enfants ont continué à être jetés, sans suivi psychologique ni médical, nous aurions bien aimé que le département soit au moins sur les bancs des parties civiles aux côtés des victimes ».
Le procès, qui a débuté ce lundi 14 octobre, devrait se prolonger jusqu’à la fin de la semaine. Les présumés coupables risquent jusqu’à dix ans de prison.