Durant l’année 2024, la collecte nette de l’assurance-vie s’élève à 29,4 milliards d’euros. Au total, il s’agit de 1989 milliards d’euros de placements sur des contrats : un record. Pourquoi ce produit d’épargne est-il préféré par les Français ? Qu’est ce que cela dit du contexte politico-économique ?
Contrairement à son nom, l’assurance-vie ne suit pas le même fonctionnement qu’une assurance financière, elle joue plutôt le rôle d’un produit d’épargne commun (à la différence qu’elle prend en clause le cas du décès de son titulaire). « Créer un produit d’épargne, c’est simplement mettre à disposition une certaine somme à un établissement financier, en échange d’intérêts, pour que celui-ci puisse la mettre à contribution dans différents investissements », explique Philippe Bernardi, directeur en assurances de personnes chez France Assureurs. « Par exemple, votre banque va prêter un crédit, à un projet de construction, ou à une entreprise… C’est le même crédit dont vous allez pouvoir bénéficier en empruntant pour acheter votre maison ». Sur les 1989 milliards d’encours total des assurances-vie en France, 63% sont investis dans les entreprises (23% en actions, 35% en obligations, 5% immobilier). Ensuite, les obligations d’État représentent 24% des placements. « Une obligation en terme boursier c’est une créance, donc une simple dette financière » résume Philippe Bernardi. « L’intérêt du produit d’épargne, notamment pour éviter les pertes, c’est de diversifier ses investissements. Cela permet de contrebalancer les pertes avec les gains sur d’autres secteurs, et d’obtenir un résultat à peu près stable. C’est en partie avec ce procédé que les banques se financent ».
Comparaison avec un produit d’épargne : le livret A
« L’assurance-vie est un investissement d’épargne à long terme. Là où le livret A est un placement du quotidien, sur lequel on peut placer et retirer de l’argent à tout moment » éclaircit Philippe Bernardi. « Mais la comparaison est intéressante pour montrer leurs complémentarités. Car souvent les épargnants Français avec une santé précaire, ou qui dépassent le plafond du livret A, commencent à envisager la contractualisation d’une assurance-vie en plus de leur livret ». Les avantages de l’assurance-vie sont : la possibilité de souscrire à plusieurs contrats, l’absence de plafond et une exonération avantageuse, voire totale, des frais de succession en cas de décès du titulaire (ce qui n’existe pas sur le livret A, qui est en plus unique et plafonné à 22950 euros). Les défauts de l’assurance-vie : des frais à payer pour la gestion du contrat, mais aussi des frais d’entrée et de sortie de fonds ; et un rendement plutôt faible, qui dépend des risques entrepris dans le contrat. « Selon les études de France Assureurs, le rendement de l’assurance-vie est aujourd’hui en moyenne de 1,8%, contre un livret A à 2,4% cette année » précise Philippe Bernardi. Charles Sannat, ancien banquier en assurances, vulgarisateur économique et fondateur des sites d’information économique Insolentiae et Grenier de l’éco, complète : « c’est sans compter les prélèvements de la flat tax, qui sont d’ailleurs en hausse dans le budget du dernier gouvernement. L’État va désormais ponctionner 33% des dividendes et des revenus du capital, notamment les rendements issus de l’assurance-vie ».
Analyse de la répartition de l’épargne des Français début 2025
Philippe Bernardi suit l’interprétation médiatisée par France Assureurs : « L’année 2024 a permis à l’assurance vie de consolider sa position comme produit d’épargne préféré des Français. Dans un monde marqué par toujours plus d’incertitudes politiques et économiques, il représente un pôle de stabilité offrant à la fois sécurité et rendement. Les Français ne s’y sont pas trompés puisqu’ils lui ont confié cette année près de 30 milliards d’euros supplémentaires ». Charles Sannat relativise. Pour lui, la présence d’obligations d’État dans ces produits d’épargne pose problème dans un État endetté comme la France : « toute la part de vos placements en obligations d’État françaises alimentent une dette publique colossale, qui continue de croître. Là où certains économistes et politiciens proposent de tout simplement effacer notre dette, ils oublient qu’une part importante de celle-ci est financée par la contribution de nombreux Français via l’assurance-vie. On continue à ignorer le problème et on nourrit un cercle vicieux ». Un consensus demeure : les Français épargnent davantage, ce qui indique une baisse de la consommation. Les différents facteurs tels que l’inflation, la hausse de l’imposition, et la baisse du pouvoir d’achat sont en corrélation avec ce constat et sont les symptômes d’une potentielle entrée en récession.