Le projet de réforme du système des retraites a été déposé aujourd’hui sur le bureau de l’Assemblée nationale. Les députés ne disposent que de vingt jours pour discuter des 20.000 amendements déposés par l’opposition. Une astuce constitutionnelle trouvée par le gouvernement qui craint le blocage.
On y est. La réforme des retraites a fait son entrée à l’Assemblée nationale. Après les experts, après les journalistes, après la rue, c’est au tour des députés de se prononcer sur l’épineuse question de « l’après-travail ». Seulement, les débats partent avec du plomb déjà bien fixé dans l’aile. C’est une course contre la montre qui vient de s’engager pour les représentants de la nation qui vont devoir se décider en une vingtaine de jour sur la réforme phare du quinquennat.
Mais pourquoi vingt jours uniquement ? Le Monde écrivait en janvier que c’était « plus qu’un détail technique » : la réforme des retraites passera en tant que loi de financement de la sécurité sociale. En « filoutant » ainsi – il n’y a pas vraiment d’autre terme – le gouvernement fait rentrer cette réforme sous le coup de l’article 47 – 1 de la Constitution.
Quelle différence ?
Le procédé législatif offre à Renaissance une marge de manœuvre plus avantageuse. À l’approche des débats, le parti majoritaire s’est donné les armes pour faire passer son texte. Il craint les blocages à répétition de l’opposition qui s’est juré l’abandon de la réforme. Les 20.000 amendements déposés sur le bureau de la Présidente de l’Assemblée nationale lui donnent raison.
Dans les faits, le « 47 – 1 » a été pensé comme un article « antiblocage » pour les textes qui nécessitent une entrée en vigueur d’urgence. Il permet au gouvernement de limiter à 20 jours les discussion à l’Assemblée nationale, puis de faire appel au Sénat pour arriver à un consensus des chambres en 50 jours maximum. Le gouvernement pourra alors utiliser le mécanisme de l’ordonnance pour faire passer le texte.
Quel intérêt ?
L’ordonnance, c’est tout ou rien. Le gouvernement peut dans ce cas rédiger sa réforme puis la soumettre au vote du Parlement. C’est ici que l’entreprise de séduction des Républicains commence. Seul, Renaissance n’a pas les moyens de faire passer sa loi. Il lui faut le soutien des conservateurs.
Avec le vote des 70 députés d’Éric Ciotti, la majorité absolue pourrait être atteinte. La balle est dans le camp du député des Alpes-Maritimes. Il n’a pas usurpé son titre de faiseur de roi et le sait. Il est prêt à peser de tout son poids sur la réforme.
Un rouage presque parfait
Deux évènements pourraient faire capoter le plan du parti présidentiel. D’abord, la rue. Le mouvement né le 19 janvier prend de l’ampleur tant dans le nombre des participants que par leur diversité. Travailleurs, étudiants – moins nombreux –, retraités et syndicats avancent sous le même drapeau. À l’Élysée, on redoute le même scénario exceptionnel qui avait fait tomber la réforme Juppé devant la pression de la rue en 1995.
#ReformesDesRetraites attention, il n’est pas sûr que la limite de 50 jours des PLFSS s’applique pour le texte rectificatif portant réforme des retraites. En 85 le CC avait jugé que cela ne s’appliquait pas aux lois de règlement faute d’urgence. https://t.co/IYTYPesRaT #DirectAN
— Benjamin Morel (@BenjaminMorel63) January 12, 2023
Une deuxième épine dans le pied d’Elizabeth Borne pourrait être le Conseil constitutionnel. L’astuce du gouvernement pourrait chauffer les oreilles de Laurent Fabius, président de l’institution. C’est l’urgence d’une réforme sur la sécurité sociale qui justifie la limite des 50 jours de débat parlementaire. Le juge constitutionnel pourrait très bien considérer que réformer les retraites ne satisfait pas le critère de l’urgence. Il pourrait alors décider que l’article 47 – 1 de la constitution est inapplicable à la situation.