Sanofi a pour projet de vendre 50 % de sa filière « santé grand public », c’est-à-dire l’ensemble de la production et de la recherche sur les médicaments du quotidien, au fonds d’investissement américain CD&R. Parallèlement, Sanofi conserverait l’ensemble de sa filière innovation, c’est-à-dire les médicaments les plus lucratifs, portant sur l’oncologie.
En France, un accord est établi entre les industries pharmaceutiques et la Sécurité sociale. Par exemple, avec Sanofi, en échange de prix bas sur des médicaments génériques comme le Doliprane (même plus bas que les coûts de production), l’État accepte d’acheter des produits nouveaux, sur lesquels le brevet est encore effectif, et donc à des prix beaucoup plus élevés. Grosso modo, pour que les Français puissent acheter leurs médicaments quotidiens à bas coûts, la Sécurité sociale finance des produits tests extrêmement chers, en cancérologie par exemple, afin d’innover dans le domaine.
Une entreprise qui se porte très bien
À cela, il faut ajouter une bonne tranche de subventions. Par exemple, en dix ans, Sanofi a reçu près de 1,3 milliard d’euros d’allègements fiscaux dans le cadre du CIR (Crédit Impôt Recherche). L’information nous a été communiquée par le syndicat Sanofi CFDT, l’entreprise n’a pas souhaité répondre à nos questions. Même sans ces aides publiques, l’entreprise se porte très bien : 43 milliards de chiffre d’affaires et 4,4 milliards de dividendes l’année passée. Ainsi, l’UFC Lille, membre de France Assos Santé (association de syndicalistes et pharmaciens, spécialiste des finances dans le milieu de la santé), a dénoncé jusqu’en commission parlementaire le chantage au prix effectué par les laboratoires pharmaceutiques : « Les prétentions des laboratoires sont principalement établies en fonction de la capacité des États à payer sans rapport avec les coûts réels de production. Les industriels demandent également des allégements fiscaux, autrement dit des aides publiques, pour assurer notre souveraineté nationale. L’opacité des aides déjà distribuées au secteur n’invite pas à les accentuer ».
L’opposition s’enflamme
Malgré cette situation confortable, Sanofi a annoncé un grand plan de restructuration en avril dernier, appliqué depuis une semaine. Sur les 17000 emplois de la multinationale, c’est plus de 1000 qui pourraient être menacés en France. Les principaux sur la sellette : les 331 ouvriers de l’usine de Doliprane à Lisieux, et 288 emplois du site de Vitry-sur-Seine. Un plan en contradiction avec le projet de construction d’un centre européen de recherche contre le cancer de 100 000 m² sur Paris-Saclay. Ce que craignent les oppositions politiques, notamment LFI et le RN (Manuel Bompard demandant la nationalisation de la filière « santé grand public » ; Jordan Bardella constatant que « la découpe de la France se poursuit ») c’est que le fonds d’investissement américain CD&R aurait toutes les marges de manœuvre pour renégocier ses contrats avec la France, en proposant des médicaments américains, ou simplement en montant les prix. Le ministre de l’économie Antoine Armand a cependant tenu à rassurer en affirmant que « le Doliprane continuera à être produit en France ».
Autre inquiétude, Sanofi projette la construction d’une nouvelle usine « BioCampus Francfort » à 1 milliard en Allemagne. L’installation serait soutenue par la ville de Francfort, l’état allemand et la Commission Européenne. En réaction, et au travers des impératifs annoncés de « réindustrialisation », le gouvernement français aurait proposé un chèque de 400 millions d’euros pour que Sanofi révise son projet et le lance en France. Sanofi refuse.