C’est une problématique à laquelle les Rouennais sont désormais habitués : subir de plein fouet les conséquences d’un accident industriel, au point que cela s’assimile au folklore. La proximité des industries et des habitations en font un site à risques, où les incidents se succèdent. Le 26 septembre 2019, l’incendie de l’usine de lubrifiants industriels Lubrizol avait déjà marqué. Plus récemment, le cas de Bolloré Logistics prend une envergure inattendue.
Lundi 16 janvier 2023, c’est 892 tonnes de batterie au lithium usagées, des pneus, et diverses pièces automobiles qui prennent feu, dans un entrepôt de Bolloré Logistics à Grand-Couronne. Le 7 octobre dernier, après de nombreuses investigations, la DREAL Normandie (Direction régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement) met en demeure deux sociétés de l’entreprise (en les obligeant à retirer les déchets issus de l’incendie), qui n’avaient aucune autorisation pour stocker ces batteries, en plus de la constatation d’un non-traitement des déchets post-accident et de la pollution des eaux.

Normes de sécurité : la sûreté de la batterie de lithium remise en cause
Si l’origine exacte de l’incendie de l’entrepôt de Bolloré Logistics est toujours inconnue, une piste est privilégiée, par certains experts et la DREAL Normandie. En effet, la batterie au lithium-ion n’en serait pas à la première démonstration de son instabilité.
Parmi les normes de stockages évoquées, plusieurs sont considérées vitales en matière de sécurité : vérification régulière que la batterie n’est pas endommagée, cassée ou fissurée ; ranger convenablement les batteries, dans un endroit frais et sec, en évitant les températures inférieures à 0°C ou supérieures à 73°C. Les signes précurseurs d’inflammation de l’objet sont nombreux : chaleur de la batterie sans utilisation, bosse ou fuite, sifflement, craquement, odeur, fumée, etc.
« L’emballement thermique suite à un dysfonctionnement d’une batterie est la piste que nous privilégions » nous confie la DREAL Normandie. « Si la piste demeure indéterminée, cela s’est déjà vu dans de nombreux cas partout dans le monde, et les entrepôts de batteries au lithium-ion sont très vulnérables aux incendies, puisque le défaut d’une seule batterie peut faire brûler l’ensemble du stock très rapidement ».
Les acteurs économiques locaux tentent de rassurer par la transparence
Plusieurs entreprises rouennaises ont leur fond de commerce placé sur l’industrie de transition écologique, dont la batterie au lithium est un élément fondamental. C’est le cas de Betobo, dont le directeur, Stéphane Bonnet, est spécialiste dans le recyclage des batteries au lithium, notamment de leurs normes de stockage et de l’évolution de leur réglementation.

« Les batteries au lithium-ion sont triplement à risque » nous explique-t-il. « D’abord le risque électrique, lors de son chargement ou de son utilisation ; ensuite incendiaire, en cas d’anomalie, de chargeur non compatible ou d’utilisation d’électrolytes ou d’électrodes inflammables ; et enfin chimique, la batterie contenant de nombreux oxydes métalliques toxiques. Selon la composition, cela peut être des brûlures de la peau, des effets néfastes sur certains organes en cas d’ingestion, de contact cutané, d’allergies, etc ».
« Cependant il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain » ajoute Stéphane Bonnet. « En respectant les normes de sécurité, les risques sont très faibles ». Il faut dire que l’enjeu est de taille : la quasi-totalité des véhicules électriques fonctionnent sur des batteries au lithium-ion. Remettre en cause la fiabilité de ce produit, c’est remettre en cause un énorme pan du maillage industriel, notamment sur le marché européen, qui pousse les consommateurs à se véhiculer en électrique.