Septembre 2022, le tribunal administratif de Lille autorise Joy*, ancienne prostituée, a intégré un parcours de sortie de prostitution (PSP). Quelques semaines après, le Préfet du Nord refuse qu’elle bénéficie d’une autorisation provisoire de séjour (APS). Pourtant, Joy a purgé sa peine. Pourquoi la justice empêche l’intégration de Joy dans notre société depuis 2018 alors qu’elle vit dans un foyer d’accueil qui la considère comme une grande sœur ?
A Lille, Joy*, une jeune femme nigériane, est sortie de la prostitution depuis le démantèlement d’un réseau en 2014, où elle avait été arrêtée pour proxénétisme. Après avoir effectué l’intégralité de sa peine en 2017, elle est prise sous l’aile de l’association des Mouvements du nid, présidée par Bernard Lemettre. Elle dépend entièrement de l’organisme pour survivre et offrir un avenir à sa fille, puisque cela fait des années qu’elle attend ses papiers. La situation de Joy révèle un manque d’aide pour les femmes en sortie de prostitution, puisque dès février 2019, (deux ans après que Joy a purgé sa peine et sans être retournée dans le réseau), le préfet du Nord a refusé qu’elle intègre un PSP (Parcours de sortie de prostitution). Pour faire bouger les choses, l’association qui l’accompagne a réussi à attirer l’attention de Marlène Schiappa, ex-secrétaire d’Etat chargée de l’égalité entre les hommes et les femmes, qui a demandé un nouvel examen du dossier au préfet. Finalement, c’est la délégation des Hauts-de-France qui se voit dans l’obligation de saisir le tribunal administratif face à un énième refus du préfet en juillet 2019.
“J’ai changé mais eux ils veulent que je reste dans mon passé”
Lors de notre rencontre, Joy confie très attristée : “Le problème, c’est que les femmes qui veulent sortir de la prostitution alors qu’elles n’ont pas de papiers et qui ne sont pas accompagnées comme je le suis, finissent par recommencer, car on ne leur permet pas de changer.” C’est aussi la crainte de Samuel et Edwige Prieur, le couple qui la loge bénévolement. Dans une lettre adressée au préfet du Nord, ils expriment leurs craintes : “En maintenant Joy dépourvue du droit au séjour en France, en situation de précarité sociale et économique, dépourvue d’autorisation de travail, le préfet du Nord accroît le risque pour cette femme, désormais soutien de famille, de re-sombrer dans le système prostitutionnel”.
Les « Mouvements du nid » : aider à prendre son envol
L’association des « Mouvements du nid », qui accompagne Joy dans sa sortie de prostitution, a une ligne de conduite précise, explique Bernad Lemettre, délégué régional du mouvement anti-prostitution du Nid : “Vous êtes ici dans une association abolitionniste. Ca veut dire qu’on est fidèle aux engagements de la France, qui en 1949 a signé la convention des Nations Unies, qui dit une chose très simple : le préambule de la prostitution et le mal qui l’accompagne est incompatible avec la dignité et la valeur de la personne humaine.” Il explique qu’on ne sort personne de la prostitution, mais qu’on peut accompagner la personne qui souhaite s’en sortir. Selon lui, l’enjeu principal est de savoir comment maintenir un lien avec les personnes sans être complice de leur prostitution. “La sortie est horrible, car brusquement, les prostituées doivent penser au lendemain, gérer des tâches administratives compliquées, ça demande un soutien infaillible”.
*Nom d’emprunt choisi par l’interviewé