Depuis 18 jours, salariés et compagnons d’Emmaüs observent une grève devant les locaux de stockage de Tourcoing. Comme à Grande-Synthe ou encore Saint-André-Lez-Lille, ils revendiquent de meilleures conditions de travail, mais pas seulement.
« Madame, savez-vous ce que certains de mes collègues subissent ici ? », demande Manu, employé chez Emmaüs Tourcoing à une donatrice surprise de voir des palettes devant l’entrepôt où elle a l’habitude de se rendre pour faire des dons. Depuis 18 jours, Emmaüs Tourcoing a rallié le mouvement de grève initié par l’entrepôt de Grande-Synthe en juillet, suivi quelques jours plus tard par celui de Saint-André. Une première dans l’histoire d’Emmaüs.
Un manque de reconnaissance
La raison ? Des conditions de travail jugées déplorables et un manque de reconnaissance envers les Compagnons. À Tourcoing, on en dénombre trente cinq. Ces personnes sans papiers travaillent 40 heures par semaine, exercent les mêmes tâches que les salariés, mais sont payées 300 euros par mois. « On fait tout comme les salariés, sauf que l’on est payé 900 euros de moins qu’eux », s’insurge Fatima, la porte-parole des Compagnons.
Est ce que tout cela est exact ? Nous avons rencontré un représentant d’Emmaüs, venu spécialement d’Angoulême, qui n’a pas souhaité décliner son identité : « le problème, c’est que l’on compare un statut de compagnon à un statut de salarié. Les compagnons sont nourris, logés, blanchis. Les 300 euros représentent un reste à vivre en quelque sorte. » Mais le problème des salaires n’est pas la seule revendication des grévistes. À Tourcoing, tous les compagnons sont logés dans des appartements mais dans des conditions jugées précaires, « parmi les rats et les souris », assure même l’un d’entre eux. « En France, ce n’est pas le cas dans tous les logements des compagnons », poursuit le représentant de la direction.
Des promesses en l’air
Les communautés de Dunkerque et de Tourcoing disposent d’un agrément d’État censé garantir aux compagnons
une protection sociale, une déclaration de leur activité à l’Urssaf et un accompagnement pour l’obtention d’un titre de séjour après trois années de travail. Mais cette promesse est loin d’être respectée. D’ailleurs, certains compagnon qui travaillent chez Emmaüs depuis une dizaine d’années n’ont toujours pas été régularisés par l’État. D’autres centres Emmaüs de la région devraient rejoindre le mouvement dans les jours à venir…
Emmaüs, la belle idée
Né en 1949, Emmaüs est un mouvement laïc initié par l’Abbé Pierre qui a pour but principal la solidarité entre tous. L’équité, la tolérance, le respect et le travail constituent ses principales valeurs. Le mouvement repose sur un modèle économique solidaire et durable avec des communautés , des compagnons (personnes en difficulté), des bénévoles et des salariés. Les communautés gèrent des boutiques de seconde main, des ateliers de réparation et d’autres initiatives sociales. Les compagnons y trouvent un logement, une formation professionnelle et un soutien afin de réintégrer la société. Emmaüs est également engagé dans des actions de soutien aux sans-abri et aux personnes en situation de précarité.