Une proposition de loi a été adoptée à l’unanimité ce jeudi 14 mars, à l’Assemblée Nationale. Son but : réduire l’impact de la fast fashion, et la pénaliser financièrement.
L’Assemblée nationale a étudié, ce jeudi 14 mars, une proposition de loi visant à lutter contre le phénomène de la fast fashion. Portée par la députée Horizons Anne-Cécile Viollaud, cette nouvelle proposition a été validée la semaine passée par la commission du développement durable. L’actuel ministre de la transition écologique, Christophe Béchu, a affiché son soutien envers cette initiative, le lundi 4 mars, lors d’un événement parisien rassemblant les acteurs de la mode.
La proposition recommande quatre axes d’action pour lutter contre la mode jetable. Il est d’abord question d’informer les consommateurs sur les dangers de la fast fashion, afin de les détourner de ces achats évoluant au rythme des tendances, qui sont toutefois très éphémères. Sur les plateformes de ventes en ligne, les enseignes devront afficher « des messages encourageant le réemploi et la réparation de ces produits et sensibilisant à leur impact environnemental. Cette mention figure [ra] sur toutes les pages internet permettant l’achat de ces produits, à proximité du prix ». La marque Shein a rapporté « être prêt à afficher un message sur la page d’accueil de [sa] plateforme », sous réserve que « toutes les marques du secteur de la mode, mais aussi des entreprises de commerce électronique proposant des produits de mode » affichent également ce message de prévention pour « sensibiliser et réduire l’impact environnemental de l’industrie textile ».
Dans un second temps, une mesure plus incisive : la mise en place d’un malus dans la limite de 50% du prix de vente, sur chaque article vendu. Ce montant pourrait atteindre les 10€ d’ici 2030. Anne-Cécile Viollaud a illustré la mesure au micro d’Europe 1 : un t‑shirt coûtant 5€ aurait un malus de 2,50€ imposé aux producteurs. Il ne s’agirait pas d’une taxe, comme l’a précisé la députée, mais d’une « éco-contribution ». Le but étant de rééquilibrer le marché pour les enseignes respectant les normes environnementales car le montant des pénalités sera redistribué à ces enseignes sous une forme de bonus. La porte-parole française de la marque Shein, Marion Bouchut explique que cette loi aura des répercussions sur le prix de vente et donc forcément « un impact direct sur l’accès à la mode pour des millions de consommateurs français ».
Le projet de loi propose également d’interdire toute forme de publicité pour ces enseignes de fast fashion. Dans la lignée des restrictions publicitaires appliquées à l’alcool, par exemple, les entreprises impliquées dans la fast fashion ne pourront plus promouvoir leurs produits via des canaux publicitaires. D’après le texte, cela inclut la publicité sur les réseaux sociaux : les « personnes physiques ou morales qui, à titre onéreux, utilisent leur notoriété auprès de leur audience pour communiquer […] des contenus visant à faire la promotion » de ces enseignes, ne seront plus autorisés à conclure de tels partenariats.
La France sur une bonne lancée
Bien que cette proposition soit porteuse d’espoir, et qu’elle met en avant un combat avec des enjeux environnementaux importants, pour certain, elle est loin d’être suffisante. Julia Faure, coprésidente du Mouvement impact France milite pour la slow fashion, considère que la proposition est positive et prend le bon chemin, mais elle rappelle que « réguler la mode revient à réguler le libre échange [et qu’il] est impossible dans l’état actuel des textes de mettre en place une préférence locale. ». Cette industrie repose sur des chaînes d’approvisionnement internationales, où les matières premières, les composants et les produits finis traversent souvent de multiples frontières. Toute tentative de régulation pourrait donc entraver la libre circulation des biens et des services, ce qui est un principe fondamental du libre-échange.
Le texte possède une autre limite que les enjeux du libre-échange. Les sites Shein et Temu sont les premières cibles lorsqu’on parle de fast fashion, mais d’autres enseignes sont aussi concernées. Les marques bien connues telles que Zara, Mango et H&M semblent échapper à l’impact de la proposition de loi, car elle cible spécifiquement les entreprises qui délocalisent leurs activités de vente sans générer d’emplois en France, ni disposer d’entrepôts sur le territoire. Pourtant, ces marques sont également des représentantes de la fast fashion, et donc, potentiellement concernées par les problèmes environnementaux et sociaux associés à ce modèle commercial. C’est pourquoi la coalition Stop Fast Fashion, regroupant huit organisations non-gouvernementales, réclame dans un communiqué que « toutes les marques qui proposent plus de 5 000 modèles par an soient considérées comme relevant de la fast fashion, et que cette loi s’applique notamment à toutes les plateformes de commerce en ligne. Ces mesures permettraient de ne pas pénaliser uniquement Shein ou Temu mais également des marques comme Zara, Primark, H&M ou Action ainsi que des plateformes comme Amazon dont les pratiques ont des effets délétères sur l’environnement ». Les partis France Insoumise et Écologiste ont d’ailleurs essayé d’élargir la loi à ces marques, lors de son examen à l’Assemblée, sans succès. Le texte voté jeudi 14 mars suggère que le gouvernement émette un décret fixant des « seuils » quantitatifs pour déterminer si une entreprise pratique la « fast fashion », en se basant sur le nombre de vêtements mis sur le marché chaque année. Cette approche suscite des inquiétudes quant à la mise en œuvre effective des mesures adoptées.
En dépit de ses objectifs louables, la proposition de loi comporte d’autres contraintes, notamment concernant l’imposition d’un malus à hauteur de 50% du prix de vente. Cette mesure suscite des interrogations quant à son efficacité réelle et à ses conséquences potentielles. L’un des objectifs étant de rediriger les consommateurs vers des marques françaises plus respectueuses de l’environnement. Le cofondateur de la carte-cadeau française, Charles Huet est sceptique : « La sanction ne va pas changer grand-chose : on ne parle pas de 10 € d’écart aujourd’hui entre un pull de fast fashion et un pull made in France. Il faudrait faire des taxes de 500 % pour pouvoir commencer à rééquilibrer le prix. » D’après lui, ce malus renforcé ne va donc pas faire passer les consommateurs de la fast fashion au Made in France.