Lancée en 2008, l’application Vinted a bouleversé le marché de la mode en proposant une alternative éthique à la fast fashion : revendre des vêtements entre particuliers. La plateforme a ainsi permis de prolonger la durée de vie des textiles et d’encourager une consommation plus responsable. Pourtant, ce modèle vertueux montre aujourd’hui ses limites.
Une alternative fragilisée par la fast fashion
Présentée comme une solution écologique, la plateforme Vinted, qui réunit 50 millions d’utilisateurs, favorise paradoxalement une consommation frénétique. « C’est la glorification du ‘je porte une fois, je revends’. Cela alimente une consommation insidieuse », déplore Léo, utilisateur occasionnel. Un constat partagé par Dominique Roux, chercheuse à l’Université de Reims, pour qui « les sites d’occasion encouragent une boulimie d’achats. Pour le prix d’un vêtement neuf, on peut en acquérir plusieurs ». De son côté, Elodie Juge, docteure en sciences de gestion à l’Université de Lille, livre une logique structurelle au magazine économique Challenges : « Il y a une accélération des ventes : pour que la plateforme soit vivante, il faut l’alimenter souvent, il faut de la rotation dans les produits. Celles qui font tourner les plateformes, ce sont les modeuses, qui commandent sur Zara, H&M, Shein, portent leurs robes deux fois et les revendent ». Loin de rompre avec la surconsommation, Vinted en épouse les codes. Le désir d’être constamment à la mode trouve dans la seconde main un simple exutoire, plutôt qu’un réel changement de paradigme.
Les dérives commerciales
Avec l’essor de la revente, le marché de Vinted est saturé. Résultat : la visibilité des articles s’effondre et la concurrence s’intensifie. « Avant, je mettais un article en ligne et il partait en un jour. Maintenant, c’est quasi impossible de se démarquer », témoigne Lila, ancienne utilisatrice régulière. Face à la concurrence, elle a dû adopter des stratégies : réductions, publicités, photographies soignées, en vain. Le site est en effet devenu un terrain fertile pour les dérives commerciales. « On y vend du neuf sous couvert de seconde main », dénonce Lucas Thivolet Conde Salazar. Une tendance confirmée par Carla, utilisatrice de la plateforme, affirmant qu’« il y a beaucoup de vendeurs Vinted qui profitent de l’application pour faire leur business ». Par ailleurs, certaines marques de fast fashion sont volontairement invisibilisées sur la plateforme pour ne pas rebuter les acheteurs, une stratégie que déplore Anne, étudiante en école de mode. « On croit acheter un vêtement de seconde main issu d’une marque fiable, alors qu’il s’agit parfois d’un article de fast fashion dissimulé. Ils veulent préserver leur image éthique au profit du commerce », s’indigne t‑elle. Malgré ces dérives, Lucas Thivolet Conde Salazar tend à nuancer les mauvais aspects de Vinted. « Il y a toujours des opportunistes économiques qui utilisent mal la plateforme, mais le fond du modèle, c’est démocratiser la seconde main et faire réfléchir les consommateurs à leur garde-robe », déclare t‑il.
Trois conseils de Lucas Thivolet Conde Salazar, directeur de Fashion Green Hub :
- « Compter ses vêtements et se séparer de ceux portés moins de cinq fois par an est un exercice utile. On réalise alors que plus de 40 % de notre garde-robe n’est jamais utilisée. »
- « Lire l’étiquette d’entretien, comprendre les matières et comment les entretenir permet d’optimiser la durée de vie d’un vêtement. »
- « L’avenir de la mode, c’est peut-être ne plus acheter mais de louer. Par exemple, Bocage fait de la location de chaussures. Décathlon Belgique a également ouvert un magasin entièrement dédié à la location. »