Chants de l’exil, rythmes de la rue, refrains d’amour et de lutte : le raï se raconte en sons et en couleurs à l’Institut du Monde Arabe de Tourcoing. Du 27 février au 27 juillet, l’exposition Ya Rayi ! retrace l’épopée de ce genre musical devenu un pont culturel entre l’Algérie et la France.
Dès l’entrée, le visiteur est happé par un tourbillon de couleurs et de sons : affiches rétro, vinyles patinés, cassettes aux jaquettes éclatantes. Au cœur de l’exposition trône une réplique de Disco Maghreb, label culte d’Oran ressuscité par DJ Snake. Ici, le raï n’est pas une simple bande-son, c’est une expérience totale. La Chtah Box invite à esquisser quelques pas sous les conseils d’une danseuse en blouza wahrania, tandis que le Karaïoké nous glisse dans la peau d’un cheb en faisant vibrer son vocodeur emblématique. Un peu plus loin, un clin d’œil aux vieux jukebox des cabarets oranais laisse chacun choisir sa cassette pour revivre la magie des classiques.
Le raï, entre révolte et passion
« La musique raï se fait l’écho des révolutions populaires », affichent les murs rouge vif. Né au début du XXe siècle à Oran, chanté d’abord par des cheikhates aux voix âpres et indomptables, le raï défie les conventions. Dans les années 80, la vague des chebs modernise le genre, électrise les foules et traverse la Méditerranée pour se fondre dans les sons urbains des banlieues françaises. Dans un contexte de tensions diplomatiques entre l’Algérie et la France, Ya Rayi ! prend une résonance particulière. « L’Algérie est le berceau et la France est une terre d’exportation du raï », explique Naïma Huber-Yahi, historienne et commissaire de l’exposition. Pour Assya, 24 ans, la musique incarne ce lien indéfectible qui unit les deux rives de la Méditerranée : « La France est historiquement liée à l’Algérie donc il est essentiel de célébrer ce lien de la plus belle des manières : en dansant ! »
« L’Algérie est le berceau et la France
est une terre d’exportation du raï »
Un pont entre générations et cultures
Sonia, 33 ans est venue avec ses enfants, nostalgique : « Je n’ai pas revu l’Algérie depuis mes 9 ans. Ces sons me ramènent à mon enfance et je les transmets à mes enfants qui n’ont jamais connu le pays de leurs grands-parents ; c’est un passage de flambeau. » Camille et Jeanne, étudiantes en art, ont découvert le raï au fil de leur visite : « On connaissait pas du tout ce style, on a tendance à oublier tout ce que la culture des minorités a apporté à la musique en France. »

Une célébration festive et engagée
Si l’âge d’or du raï a atteint son apogée avec Khaled, Cheb Mami ou encore Faudel, cette musique ne cesse de se réinventer, inscrit au patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO en 2022. Ya Rayi ! se découvre à l’IMA de Tourcoing jusqu’au 27 juillet (5 € – 4 € tarif réduit). Plus qu’une exposition, cette célébration du raï se prolonge à travers conférences, projections et concerts, offrant une immersion festive et engagée. « Il nous a semblé important qu’en France, l’une des terres de la musique raï, nous puissions célébrer son histoire », conclut Huber-Yahi. Entre nostalgie et modernité, mémoire et transe, Ya Rayi ! est un appel à écouter, comprendre et surtout, danser. Une chose est certaine : le raï ne se tait jamais.