Le royaume d’Arabie saoudite impulse depuis plusieurs années, des réformes ambitieuses qui modifient le droit des femmes dans la société : droit de vote en 2015, droit de conduire une voiture en 2018, accès au marché du travail, mixité dans les espaces publics… Autant de changements qui attirent des expatriées françaises, curieuses de découvrir un pays en pleine mutation. Éclairage inédit de Morgane, professeure de danse, et Salma, business manager, sur la place des femmes françaises et saoudiennes.
Une série de réformes historiques
Depuis 2018, les femmes saoudiennes peuvent conduire. Une réforme qui incarne à elle seule la révolution en cours dans le royaume. « La possibilité de conduire a été très marquante. Cela a changé beaucoup de choses pour les femmes. Elles sont désormais plus indépendantes, plus libres », confie Morgane. En effet, cette liberté de mouvement s’inscrit dans une série de réformes historiques, menées sous l’impulsion de Mohammed ben Salmane. En 2015, les femmes saoudiennes ont obtenu le droit de voter et de se présenter aux élections municipales, marquant leur entrée officielle sur la scène politique. S’en est suivie, en 2019, l’autorisation pour les femmes de voyager et de demander un passeport sans l’approbation d’un tuteur masculin : une avancée essentielle pour leur émancipation. La même année, le droit de travailler sans l’accord d’un tuteur a renforcé leur présence sur le marché du travail.
À Riyad, Salma a constaté ces évolutions dès son arrivée, où elle a pu « conduire, sortir seule en toute sécurité, travailler et voyager seule ». Pour elle, « les femmes sont beaucoup plus respectées ici ». La dynamique d’ouverture et d’autonomisation est également symbolisé par la mixité dans les lieux publics et la participation des femmes à des événements sportifs ou culturels. Par ailleurs, selon la business manager, ces changements s’accompagneraient d’une sécurité et d’une qualité de vie qu’elle estime « beaucoup plus faciles qu’en France », notamment grâce à une organisation quotidienne simplifiée : « courses en ligne, accès à une aide ménagère, pas de pression au travail, pratique de sa religion en paix ».
« Je resterai toujours perçue comme une étrangère »
Pourtant, s’intégrer dans une société saoudienne en pleine évolution n’est pas sans défi. Si Morgane estime avoir de très bonnes relations professionnelles avec ses collègues saoudiennes, elle note que les rencontres hors cadre professionnel restent plus rares. « Une fois que vous les côtoyez, les femmes saoudiennes se montrent chaleureuses et accueillantes, mais les aborder reste difficile », explique-t-elle. Salma, de son côté, fait face à une autre réalité : celle de l’étrangeté persistante de son statut d’expatriée. « Je suis bien intégrée grâce à mon travail, mais je resterai toujours perçue comme une étrangère. Cela peut créer des tensions, notamment dans le milieu professionnel, où certains estiment que nous prenons leur place ou que nous profitons du système saoudien », se désole t‑elle.
« Dans les zones rurales, les traditions restent très ancrées »
Loin de l’image figée d’un pays hostile aux femmes, les témoignages de Morgane et Salma dépeignent une société complexe, en pleine réinvention, où les progrès côtoient des réticences. « Les mentalités évoluent, surtout dans les grandes villes comme Riyad. Mais dans les zones rurales, les traditions restent très ancrées et freinent l’ouverture », déclare la professeure de danse. « Il leur faut encore du temps pour assimiler ces évolutions, ce qui est tout à fait normal », complète Salma. Effectivement, toutes deux insistent sur l’importance de rester humble face à une culture en pleine mutation. Les Saoudiens sont curieux, mais aussi fiers de leurs traditions. « C’est une chance d’apprendre de leur culture, de leurs traditions », confie Morgane. Leur regard, à la fois critique et optimiste, invite à dépasser les clichés pour appréhender les nuances d’un pays qui se métamorphose.
Des progrès, mais des barrières légales subsistent
Bien que ces réformes historiques aient accordé un grand nombre de droits aux femmes saoudiennes, la loi rencontre parfois des limites qui perpétuent des inégalités structurelles. Effectivement, la législation relative au statut personnel, adoptée en 2022, codifie encore la tutelle masculine, limitant les droits des femmes en matière de mariage, de divorce et de garde des enfants. Par ailleurs, le Code pénal ne reconnaît pas le viol conjugal comme un crime, ne protége pas les femmes des violences sexuelles au sein du couple.