Ces dernières années, le consensus autour des revendications féministes semble s’effriter. Taxé de déconstructionnisme ou encore d’essentialisme sur la base du sexe et de la « race », le féminisme demeure relativement impopulaire auprès d’une partie de la population. Tandis que sur les réseaux sociaux l’audience masculiniste grandit, on observe différentes manifestations d’une idéologie qui s’affirme à nouveau.
Le masculinisme émerge en Occident à la suite de la révolution sexuelle et de l’émancipation des femmes dans les années 1960 – 1970. Cette idéologie appelle à la revalorisation de la virilité et des rôles traditionnels masculins suite au bouleversement des modes de vie. C’est ce désir de revalorisation qui résonne aujourd’hui auprès de nombreuses personnes que l’on retrouve dans la « Manosphère ».
La Manosphère est le terme utilisé pour décrire l’ensemble des contenus masculinistes sur internet. Elle fonctionne comme une caisse de résonnance. C’est un espace où des opinions antiféministes se rejoignent et s’alimentent mutuellement. Le rejet de l’égalité homme-femme et le développement personnel sont des thèmes récurrents. On y trouve également des expériences personnelles relatives à la dangerosité de l’idéologie féministe dans le développement psychique des jeunes garçons.
L’idéologie masculiniste considère le féminisme comme un facteur de diabolisation de la virilité, trop souvent associée à la violence et à l’oppression. L’abolition des rôles genrés voulue par le féminisme est comprise comme une tentative d’effacement de la masculinité. Valeur sacrée pour le masculiniste, la virilité est une vertu synonyme de puissance et de courage. Au sein de l’idéologie masculiniste, le pan plus hostile au féminisme est celui de la Red Pill.
Quand les hommes voient rouge
La Red Pill est une vision essentialiste dite « réaliste » de la société. Elle est basée sur une compréhension biologique des rôles genrés traditionnels. L’application de ces rôles amènerait à un épanouissement personnel immédiat car ils sont inscrits dans la nature profonde des individus. La nature féminine serait extrêmement injuste notamment vis-à-vis de leur partenaire masculin. La nature masculine consisterait à se construire indépendamment et à se libérer du regard féminin qui tenterait d’empêcher le potentiel de l’homme. Cette lecture des relations hommes-femmes est une forme d’inversion de la perception féministe du patriarcat.
Paradoxalement, la vision Red Pill adopte à la fois une « victimisation » et une « responsabilisation » des hommes par l’incarnation d’un modèle viril stoïque. Les injustices, les difficultés, et le manque de reconnaissance auxquels font face les hommes sont décriés d’une part. On encourage ces derniers à ne plus avoir honte d’eux-mêmes. D’autre part, les adeptes sont invités à transformer radicalement leur comportement et parfois leur personnalité afin de ne plus être « dupés » par les femmes et le discours féministe.